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Citations sur Mémoires de Barry Lyndon (24)

Les grands et les riches sont accueillis avec un sourire sur le grand escalier du monde ; celui qui est pauvre, mais ambitieux, doit grimper par-dessus le mur, ou se frayer des pieds et des mains un passage par l’escalier de derrière, ou, pardi, se hisser par quelque conduit de la maison, si sale et si étroit qu’il puisse être, pourvu qu’il mène en haut. Le paresseux sans ambition prétend que la chose n’en vaut pas la peine, se refuse entièrement à la lutte, et se décerne le nom de philosophe. Je dis que c’est un poltron sans énergie. À quoi est bonne la vie sans l’honneur ? et l’honneur est si indispensable, que nous devons l’acquérir n’importe comment.
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Lorsqu’il avait quatre ans, je me querellai avec la bonne anglaise qui l’avait élevé, et dont ma femme avait été si jalouse, et je lui donnai une gouvernante française qui avait vécu à Paris dans des familles de la première qualité, et qui, comme de raison, inspira aussi de la jalousie à milady Lyndon. Entre les mains de cette jeune femme, mon petit drôle apprit à babiller le français à ravir. Cela vous aurait réjoui le cœur d’entendre le petit garnement jurer : « Mort de ma vie ! » et de le voir frapper de son petit pied et envoyer ces manants et cette canaille de domestiques aux trente mille diables. Il était précoce en tout ; dès l’âge le plus tendre, il contrefaisait tout le monde ; à cinq ans, il tablait et buvait son verre de vin de Champagne avec le meilleur d’entre nous ; et sa bonne lui apprenait de petits airs français et les dernières chansons de Vadé et de Collard, et c’étaient, ma foi, de bien jolies chansons ; et cela faisait éclater de rire ceux de ses auditeurs qui comprenaient le français, et scandalisait, je vous en réponds, quelques-unes des oreilles des vieilles douairières qui étaient admises dans la société de ma femme : ce n’est pas qu’il y en eût beaucoup, car je n’encourageais pas les visites de ce que vous appelez les personnes respectables chez lady Lyndon.
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J’étais souvent dans les vignes du Seigneur ; et, dans cet état, quel gentilhomme est maître de lui ? Peut-être, étant ainsi, ai-je pu traiter milady un peu rudement, lui jeter un verre ou deux à la tête, et l’appeler de noms peu complimenteurs. Je peux l’avoir menacée de la tuer (ce qu’évidemment il n’aurait pas été de mon intérêt de faire), et l’avoir, en un mot, effrayée considérablement.

Après une de ces disputes, dans laquelle elle s’enfuit en criant dans les corridors, et moi, gris comme un lord, je courus en trébuchant après elle, il paraît que Bullingdon fut attiré hors de sa chambre par ce bruit. Comme je l’avais rejointe, l’audacieux gredin profita de ce que je n’étais pas très-solide pour me donner un croc-en-jambe ; et, saisissant dans ses bras sa mère, qui se pâmait, il l’emporta chez lui, où, sur ses instances, il lui promit de ne jamais quitter la maison tant qu’elle vivrait avec moi. Je ne savais rien de ce vœu, ni même de la facétie d’homme ivre qui y avait donné lieu ; je fus emporté /glorieux/, comme nous disons, par mes domestiques, et me mis au lit, et le lendemain matin je n’avais pas plus de souvenir de ce qui était arrivé que de ce qui avait pu se passer quand j’étais à la mamelle. Lady Lyndon me raconta le fait des années après ; et je le cite ici, parce qu’il me permet de me justifier honorablement d’une des plus absurdes imputations de cruauté soulevées contre moi au sujet de mon beau-fils. Que mes détracteurs excusent, s’ils l’osent, la conduite d’un abominable brigand qui donne un croc-en-jambe à son tuteur naturel et beau-père après dîner.
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Milady et moi, au bout de quelque temps, ne vécûmes guère ensemble à Londres. Elle préférait le repos, ou, pour dire la vérité, je le préférais pour elle, étant grand ami d’une conduite modeste et tranquille chez une femme, et d’un goût pour les plaisirs domestiques. Aussi je l’encourageais à dîner chez elle avec ses dames de compagnie, son chapelain et quelques-unes de ses amies ; j’admettais trois ou quatre personnes décentes et discrètes pour l’accompagner à l’Opéra ou à la Comédie, dans des occasions convenables ; et, ma foi, je refusais pour elle les trop fréquentes visites de ses amis et de sa famille, préférant les avoir seulement deux ou trois fois par saison, dans nos grands jours de réception. D’ailleurs, elle était mère, et c’était une grande ressource pour elle que d’habiller, d’élever et de dorloter notre petit Bryan, pour qui il était bon qu’elle renonçât aux plaisirs et aux frivolités du monde ; en sorte qu’elle laissait à ma charge cette partie des devoirs de toute famille de distinction.
À parler franchement, la tournure et l’apparence de lady Lyndon n’étaient nullement propres à briller dans le monde fashionable. Elle avait beaucoup engraissé, avait la vue basse, le teint pâle, négligeait sa toilette, avait l’air maussade ; ses conversations avec moi étaient empreintes d’un stupide désespoir, entremêlé de sottes et gauches tentatives de gaieté forcée, encore plus désagréables ; aussi nos rapports étaient fort peu fréquents, et mes tentations de l’emmener dans le monde ou de lui tenir compagnie étaient nécessairement on ne peut plus faibles. Elle mettait aussi à la maison mon humeur à l’épreuve de mille manières. Lorsqu’elle était requise par moi (souvent assez rudement, je l’avoue) d’amuser la compagnie soit par sa conversation, son esprit et ses connaissances, dont elle ne manquait pas, soit en faisant de la musique, où elle était passée maîtresse, une fois sur deux elle se mettait à pleurer, et quittait la chambre. Les assistants, comme de raison, étaient disposés à en conclure que je la tyrannisais, tandis que j’étais simplement le mentor sévère et vigilant d’une sotte personne, faible d’esprit et d’un mauvais caractère.
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Il y avait plusieurs centaines de vigoureux gaillards à la grande loge qui, avec le mur du parc, borne d’un côté Hackton-Green, et d’où se prolonge, ou plutôt se prolongeait, pendant trois milles, une majestueuse avenue d’ormes, jusqu’aux tours du vieux château. J’aurais bien voulu que ce fussent des chênes, quand je les abattis en 79, car j’en aurais retiré le triple d’argent, et je ne connais rien de plus coupable que cette insouciance des ancêtres, de planter leurs terres de bois de peu de valeur, quand ils pourraient tout aussi aisément faire venir des chênes.
Aussi j’ai toujours dit que le Lyndon Tête-Ronde, de Hackton, qui planta ces ormes du temps de Charles II, m’avait frustré de dix mille livres.
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Que sont devenus aujourd'hui ces généreux sentiments? Il y a soixante ans, un homme était un homme, et l'épée qu'il portait à son côté était prête à s'enfoncer dans le cœur du premier venu pour le plus léger différend.
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Je n'ai jamais eu de goût que pour la bonne compagnie, et je hais toute description des mœurs vulgaires. Le compte que j'ai à rendre de la société [militaire] où je me trouvai alors doit nécessairement être court, et la mémoire m'en est même profondément désagréable.
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J'ai vu une fleur, ou un mot sans importance, éveiller des souvenirs qui, je ne sais comment, dormaient depuis des vingtaines d'années ; et, quand j'entrai dans la maison de Clarges Street, où je suis né, tout d'un coup la mémoire de mon enfance me revint, oui, de ma première enfance ; je me rappelai mon père en habit vert et or, me soulevant pour me faire voir un carrosse doré qui stationnait devant la porte, et ma mère, en robe à fleurs, avec des mouches sur sa figure. Est-ce qu'un jour tout ce que nous avons vu, et pensé, et fait, nous passera comme un éclair dans l'esprit de cette manière ? J'aimerais mieux que non.
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Qui aurait supposé que sept semaines auparavant j'étais un simple... bah! J'ai honte d'y penser! Un des plus agréables moments de ma vie fut à un grand gala au palais électoral, où j'eus l'honneur de valser une polonaise avec la margrave de Bayreuth en personne, la propre sœur du vieux Fritz; du vieux Fritz dont j'avais porté la livrée de gros drap bleu, dont j'avais blanchi les ceinturons, et dont j'avais avalé pendant cinq années les abominables rations de petite bière et de choucroute.
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Je rentrai chez moi dans une fureur impossible à décrire, et ayant lord Crabs à dîner ce jour-là, je me vengeai de Sa Seigneurie en lui arrachant sa perruque, l’étouffant avec, et l’attaquant dans cette partie de sa personne qui, selon la rumeur publique, avait déjà été assaillie par Sa Majesté.
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