Citations sur Oeuvres, tome 1 (9)
Et la mort n’aura pas d’empire.
Les morts nus ne feront plus qu’un
Avec l’homme dans le vent et la lune d’ouest.
Quand leurs os becquetés seront propres, à leur place
Ils auront des étoiles au coude et au pied.
Même s’ils deviennent fous ils seront guéris,
Même s’ils coulent à pic ils reprendront pied
Même si les amants s’égarent l’amour demeurera
Et la mort n’aura pas d’empire.
Et la mort n’aura pas d’empire.
Gisant de tout leur long dans les dédales
De la mer ils ne mourront pas dans les vents.
Se tordant sur des chevalets quand céderont les muscles,
Ligotés sur une roue, ils ne se briseront pas.
La foi dans leurs mains cassera net,
Les démons unicornes les transperceront.
Fendus de toutes parts ils ne craqueront pas
Et la mort n’aura pas d’empire.
Et la mort n’aura pas d’empire.
Ils n’entendront peut-être plus les cris des mouettes
Ni le déferlement des vagues sur les rives.
Là où s’ouvrait une fleur, peut-être qu’aucune fleur
Ne montrera sa tête aux rafales de la pluie.
Même s’ils sont fous et morts, tout à fait morts
Leurs têtes comme des marteaux enfonceront les marguerites,
S’ouvriront au soleil jusqu’au dernier jour du soleil
Et la mort n’aura pas d’empire.
p.413
La lumière point là où le soleil ne brille pas
Extrait 5
La lumière point sur des lots secrets
Sur des crêtes de pensée où les pensées sentent dans la pluie.
Quand meurent toutes les logiques
Le secret de la glèbe pousse à travers l’œil
Et le sang saute dans le soleil.
Au-dessus des lopins incultes l’aube fait halte.
Le soleil avait presque entièrement disparu, coupé en deux par la mer qu'envahissaient les ombres. Le froid montait de la mer tel une gerbe d'embruns et je pouvais l'imaginer comme un grand cerf aux andouillers de givre dont la queue laissait tomber des gouttes d'eau et dont le visage, ridé par de petites vagues, laissait entrevoir le passage des poissons. Un vent glacial assaillit le promontoire de toutes parts et le froid perça notre chemise légère tandis que la mer envahissait notre rocher en toute hâte, notre rocher déjà envahi par nos amis, par les vivants et les morts qui rivalisaient de vitesse avec les ténèbres. Nous remontâmes sans mot dire.
(Le compagnon rêvé)
- Je ne veux pas être à la maison, je ne veux pas rester assis au coin du feu. Je n'ai rien à faire quand je suis chez moi et je ne veux pas aller me coucher. J'aime rester là, comme maintenant, à ne rien faire, la nuit, tout seul, dis-je.
Et c'était vrai. J'étais un noctambule solitaire et un habitué des coins de rue. J'aimais errer après minuit dans la ville, sous la pluie, quand les rues étaient désertes et les lumières éteintes aux fenêtres, seul être vivant sur les rails luisants des trams dans la Grand-Rue morte et vide sous la lune, une tristesse gigantesque dans l'âme, longeant les chaussées humides près de la spectrale Chapelle d'Eben-Hézer.
(Comme de petits chiens)
La lumière point là où le soleil ne brille pas
Extrait 4
La nuit dans les orbites arrondit
Comme une lune de poix la limite des globes.
Le jour éclaire l’os.
Là où le froid n’est pas, la morsure des vents fait tomber les
épingles
Qui retiennent les robes de l’hiver ;
La taie du printemps pend au bord des paupières.
…
Le jeune homme en chandail de matelot s'était assis près des tentes dressées dans la lumière de l'été pour en voir sortir ces femmes brunes et blanches et ces groupes de jolies filles, pâles frimousses et dos brûlés par le soleil, qui, posant délicatement leurs vilains orteils aux ongles vernis en rouge sur les arêtes vives des cailloux, descendaient vers la mer. Il dessina sur le sable les contours irréguliers d'une grosse silhouette de femme; alors une fillette nue qui sortait de la mer passa dessus en courant et laissa tomber des gouttes d'eau, de sorte que sur la silhouette s'ouvrirent deux grands yeux humides et qu'une empreinte de pied se creusa au milieu. Il effaça la femme et dessina un bonhomme ventru; la fillette le traversa en courant et, comme elle secouait sa chevelure, une rangée de boutons lui tomba sur le ventre tandis que les gouttes d'eau s'alignaient, faisant songer à un dessin d'enfant qui pisse entre deux longues jambes incrustées de coquillages.
(Le beau samedi)
La lumière point là où le soleil ne brille pas
Extrait 3
L’aube point derrière les yeux.
Des pôles du crâne et de l’orteil, le sang venteux
Glisse comme une mer.
Ni clôturées, ni jalonnées, les giclées du ciel
Fusent à la verge
Révélant dans un sourire l’huile des larmes.
…
La lumière point là où le soleil ne brille pas
Extrait 2
Une chandelle dans les cuisses
Échauffe la jeunesse et la graine et brûle les graines de la vie.
Là où la graine ne lève pas
Le fruit de l’homme s’ouvre dans les étoiles
Brillant comme une figue.
Là où la cire n’est pas, la chandelle montre ses cheveux.
…
La lumière point là où le soleil ne brille pas
Extrait 1
La lumière point là où le soleil ne brille pas
Là où la mer ne s’étend pas, les eaux du cœur
Épandent leurs marées.
Et, spectres brisés, des vers luisants plein la tête,
Les choses de lumière
Passent à travers la chair là où la chair n’habille pas les os.
...