On se dit que c’est un mauvais rêve. On se dit qu’on est mort, soi-même, pas les autres, et qu’on s’est réveillé en enfer.
Mais on sait bien que c’est faux. Les rêves ont une fin, et là, il n’y en a pas.
Avec une amabilité pleine de gravité, il versa du whisky à plein goulot dans le verre de Carter "Doc" McCoy. Puis il remplit le sien et se mit à pincer les lèvres avec commisération en voyant Doc repousser son verre de côté.
T'as qu'à jouer franc-jeu avec moi et t'auras pas plus à t'en faire qu'une puce dans une fourrière pleine de clebs.
[...] En fait, il n'y a pas de meurtres. Officiellement il n'y en a aucun. Le taux de mortalité très élevé découle des nombreux suicides et de la propension qu'ont les immigrants à succomber à des accidents.
Doc était fait pour le crime, pour les entreprises de grande envergure auxquelles il en arriva rapidement. personne n'avait la faculté de s'adapter aux particularités d'un coup aussi facilement que lui, personne n'était capable de planifier avec autant de perspicacité, personne n'était aussi impavide et imperturbable.
Il aimait son métier. Abordant à l'âge de vingt-cinq ans une lourde peine de prison, il n'en était pas moins demeuré fidèle à son engagement. Son butin, au cours des cinq dernières années, s'élevait à plus de cent mille dollars par an. Pour une somme pareille, on pouvait se permettre de prendre patience un certain temps. Il pourrait mettre à profit son inactivité forcée pour se défendre, nouer de nouveaux contacts, améliorer sa connaissance du monde criminel et planifier de nouveaux coups.
Les Santis étaient des habitants des collines, des rebelles et des hors la loi plus que des criminels au sens commun du terme. Jamais ils n'oubliaient un service rendu ni ne pardonnaient une offense. Ils représentaient cette chose rare dans le monde du crime, des gens qui possédaient un réel sens de l'honneur. A une autre époque, ils auraient pu être pirates...
« Ils sont terriblement intelligents, monsieur Torrento. Vous seriez surpris à quel point ils peuvent l'être et, euh, gentils. Tenez, prenez un cochon ou même une couleuvre rayée, occupez-vous-en, donnez-leur à manger et soignez ce qu'ils ont qui ne va pas, traitez-les simplement comme vous voudriez être traité si vous étiez dans leur peau...
- Oh, fourre ça dans un livre, le coupa sa femme en se levant d'un bond. On a des trucs à faire. »
Au contraire, McCoy senior pensait que le meilleur ami qu'on a est soi-même, qu'un non-ami est quelqu'un qui cesse de vous être utile, et que c'est plus ou moins une obligation morale que de profiter financièrement de quiconque se situe dans cette catégorie, chaque fois qu'on le peut en toute sécurité et sans courir le risque d'un retour de manivelle.
Tu peux avoir peur. Qu'est-ce que ça peut foutre ? Du moment que ça se voit pas.
Vous m'aidez parce-que je vous aurais tué si vous aviez refusé.