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Citations sur Les revenants (40)

Leur notion de la religion, c’est de rendre tout le monde mécréant sauf eux.
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Quand on est en France et qu’on entend parler de ça là-bas, c’était vraiment le pays imaginaire qu’il fallait découvrir. Mais c’est deux réalités différentes que d’être tranquillement chez soi en train de manger des chips derrière l’ordinateur et être là-bas dans la boue, dans une tranchée, avec les bombes qui pètent de partout.
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L’ennemi de la femme, c’est la femme. Les femmes, elles sont terribles. C’est les femmes qui viennent, qui repèrent les nouvelles recrues, les nouvelles arrivées. Elles voient si la fille est mignonne et, après, elles vendent la mèche aux hommes.
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Couvrir l’actualité jihadiste, c’est aussi deviser avec une autre vieille source volontiers blagueuse, mais dont le travail est d’être bourreau au sein de l’État islamique. Et qui n’hésitera pas à me menacer de mort ou à me tuer si nécessaire. Un travail d’échanges quotidiens depuis cinq ans, dans une impossible confiance, une méfiance permanente, entre des acteurs situés chacun dans un camp ennemi. Chaque interviewé pouvant décider de me tuer à chacune de nos rencontres. C’est une immersion dans la morbidité, avec des jeunes d’à peine 20 ans, dont le projet de vie est de tuer pour être tués. C’est aussi apprendre régulièrement qu’un contact de plusieurs années vient de mourir au combat, frappé par un drone ou dans un attentat. Apprendre au détour d’un push d’iPhone qu’un autre vient d’être arrêté par la police dans un « vaste-coup-de-filet-antiterroriste ».
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En bon petit soldat, Abou Mujahid valide tous ces éléments de langage, à la lettre. Ses appels au crime vengeur sonnent comme un morceau de rap. « On est des soldats de l’État islamique, ils nous tuent, on les tue, lance-t-il. Tu tues ma femme, je tue ta femme. Tu tues mon enfant, je tue tes enfants. C’est clair. Le mec de la coalition qui a tué je sais pas combien de usulmans à Manbij, il va rentrer chez lui, il va faire l’amour avec sa femme et il va boire son café au lait le lendemain tranquille. Donc nous on s’en fout, on tue femmes, enfants, chiens, chats, chameaux ! On tue tout ! On explose tout ! On explose l’économie du tourisme. On veut faire couler ces pays. Mais on fait pas ça juste comme ça. Y a un intérêt, l’EI, il a pas attaqué la France avant qu’ils viennent avec leurs avions. »

Pour fonder religieusement la légitimité de l’EI à appliquer la loi du talion, Abou Mujahid sort des documents en français de son smartphone, références coraniques à l’appui. « Si tu veux les preuves islamiques sur quoi les mujahidin se basent pour frapper les mécréants sur leurs terres, eh ben tu peux lire ces PDF et tu vas tout savoir. Ils s’appuient sur des versets du Coran très clairs, y a le nom de la sourate et le numéro du verset : sourate An-Nahl, verset 126 : “Et si vous punissez, infligez [à l’agresseur] une punition égale au tort qu’il vous a fait.” Ensuite sourate Al-Baqarah, verset 194 : “Donc quiconque transgresse contre vous, transgressez contre lui, à transgression égale”. »

Un autre de ses PDF s’intitule « Clarification sur le fait de viser des femmes et des enfants ». Un autre légitime les opérations kamikazes : « L’avis islamique concernant la possibilité de réaliser des opérations de sacrifice, suicide ou martyre ? » Inutile de le lire pour en connaître la réponse. Enfin un dernier visuel, réalisé après l’attentat de Nice dans lequel un tiers des 86 tués étaient de confession musulmane, légitime le fait de tuer des musulmans, considérés comme dommages collatéraux en cas d’attentat en « terre de mécréance ». « Pour nous, il n’y a plus de débat là-dessus », martèle Abou Mujahid.
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Au fil des mois, Zoubeir a de plus en plus le sentiment que le « LOL jihad » des Français est l’importation en Syrie d’« une culture de cité ». Certes, le phénomène touche aussi les classes moyennes, voire, dans certains cas beaucoup plus rares, supérieures de la société française. Près d’un tiers des cellules familiales dont ils sont issus sont également chrétiennes, parfois même juives.

Mais les convertis proviennent eux-mêmes très souvent de foyers chrétiens issus de minorités : de l’immigration portugaise, asiatique ou d’Afrique subsaharienne, en passant par la communauté des gens du voyage et de nombreux cas originaires des Antilles françaises et des territoires d’outre-mer. Les zones rurales ne font pas exception.

Ces dynamiques ne se résument pas uniquement à l’équation immigration-délinquance-banlieue. Mais la sociologie jihadiste française concerne dans une large majorité des jeunes affichant un faible niveau d’études, socialisés dans la culture musulmane et dans les quartiers populaires français.

Zoubeir estime que seule une minorité est animée d’une logique de piété, de combat authentiquement religieux, rejetant toute ostentation sur internet. À ses yeux, derrière un vernis fondamentaliste, la plupart conservent en Syrie un comportement similaire à celui qui était le leur en France. Ils ne modifient pas tant leur mode de vie qu’ils l’islamisent, tout en prenant une revanche sur un passé français de frustrations, en exerçant sans entrave leur volonté de puissance, par la force des armes.

« Cette ambiance de cité existe vraiment chez l’EI. Les habitudes de cité n’ont pas trop changé en vérité. Le langage est le même. Les jihadistes ont islamisé le vocabulaire qui caractérise la délinquance. Avant ils auraient dit “tapettes”, aujourd’hui ils disent “murtad”, apostat. Mais c’est exactement pareil que quand ils insultaient les gens avant dans leur période d’égarement, la jahilya. Les mots s’arabisent, s’islamisent, mais les comportements restent les mêmes. Ils s’insultent, ils font des punchlines comme dans le rap, mais à la gloire de Daesh. Même là-bas, ils étaient toujours attirés par tout ce qui est or, femmes, armes… C’est les mêmes centres d’intérêt qu’ils avaient en banlieue, c’est les mêmes plaisirs. » Sauf que, détaille Zoubeir, « ce qu’ils ont volé, ils vont dire qu’ils l’ont pris en butin. Ils ont fait une ghanima. Quand ils vont mentir à des gens qui ne sont pas comme eux, ils vont pas dire que c’est du mensonge, ils disent que c’est de la ruse. Quand ils parlent d’insulter, ils vont dire que Dieu les a autorisés à médire sur les mécréants. Ils font leurs mêmes conneries, mais avec un peu plus d’islam, d’islamité dedans ».
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La Syrie jihadisée prend les atours d’un pays de cocagne matériel et spirituel où les dominés deviennent dominants, où les rapports de classes sont inversés, où des jeunes Français en majorité issus des minorités s’approprient le monopole de la violence physique légitime d’État, au prix d’un aller simple pour la Turquie. Souvent au bas de l’échelle sociale en France, ils intègrent en Syrie le groupe qui est au pouvoir. Soumis à une législation dont ils s’estiment victimes en France, ils deviennent les garants de l’imposition ultraviolente de leur propre législation en Syrie. C’est la revanche sanglante des humiliés, le remède à toutes les frustrations, générant dès 2013 des départs exponentiels alors que le phénomène est encore inconnu des médias et mésestimé par les services de renseignement. Le jihad en Syrie est alors vendu et vécu comme une expérience de jouissance individualiste et collective, légitimée religieusement, offrant un statut de chevaliers de l’islam et l’effacement de tous les péchés.

Tout ce qui n’était pas possible en France devient possible en Syrie. Nike Air aux pieds, fusil d’assaut dans une main, smartphone dernier cri dans l’autre, le consumérisme capitaliste n’a en rien disparu chez ces Français. Tout ce qu’ils ne pouvaient pas posséder en France est à portée de main en Syrie au titre du « butin de guerre ». Cela au nom d’une cause présentée par la propagande comme ontologiquement noble, valorisante et rédemptrice : défendre les musulmans en créant une cité idéale avec, à la clé, la promesse pour cette poignée d’élus du plus haut degré de paradis dans l’au-delà. « On voit les vidéos où ils sont dans des piscines, ils s’amusent, ils mangent des glaces, du Nutella. Ils prennent des photos avec des chats, ils vont dans des parcs d’attractions. Du coup, ils s’éclatent vraiment et ils se sentent libres. Plus aucune contrainte, plus de soumission à un système, comme ils disent, corrompu, explique Zoubeir. Ils sont dans le meilleur des systèmes, libres de profiter, sans culpabiliser. Quand ils s’amusaient en France, ils se disaient : “Ah oui, mais ce qu’on fait ici, ce n’est pas bien, on s’amuse alors que des gens sont en train de se faire tuer dans le monde.” Mais le fait que maintenant eux aussi sont partis combattre les gens qui opprimaient leurs frères, ça ne leur pose plus de problème de profiter de la vie. »
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Petit à petit, je pensais que ce n'était jamais assez, et que le stade le plus élevé, c'était le jihadisme. C'est celui où tu coupes tous les liens, c'est celui où ils te disent que tu peux pas vivre tranquillement, donc il faut que tu meures vite, faut que tu combattes, en fait c'est la souffrance. Je pense pas qu'il y ait quelque chose au-dessus. Au niveau humanité, l'idéologie la plus déshumanisée au monde, c'est celle-là. Je voulais toujours plus donc je suis arrivé à ce stade-là.
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Zoubeir décrit ces groupes comme "une mafia de brigands jihadistes. Leur notion de la religion, c'est de rendre tout le monde mécréant sauf eux.
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Un péril décennal résumé dans ce slogan tiré de la propagande de l'État islamique après la perte de la ville de Manjib en Syrie: "Nous avons perdu une bataille, mais nous avons gagné une génération qui connaît son ennemi."
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