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Critique de Tandarica


J'ai acquis ce livre en format numérique, pour son petit prix, j'ose le dire.
Une grande surprise ! C'est en effet un livre que je trouve fort bien écrit.

La première nouvelle, dont le titre ne m'inspirait au début, pas grand chose, occupe 42% du volume (selon les fonctionnalité de ma liseuse). En apparence, l'histoire de Sara (alias Simone Kléber) est celle d'une « énorme imposture » et semble répondre uniquement à la question posée dans le texte « douter d'une victime serait faire preuve d'indécence ?».
Mais, au fond, c'est bien plus ce cela : j'ai adoré la subtile mise en abîme que constitue l'écriture d'un livre sur cette affaire (« une biographie romancée ») par la journaliste Victorine Martin, celle dont le premier livre publié (avec succès) traite de l'emblématique Simone Veil. Il y a l'idée, somme toute évidente, qu'un journaliste doit vérifier ses sources et enquêter avec sérieux sur son sujet, mais en filigrane se dessine celle de la réalité qui dépasse la fiction. Peut-on s'affranchir d'un destin qui s'annonce trop ordinaire et d'un passé traumatisant (comportant entre autres « un passif familial à solder », une scolarité marquée par des moqueries sur son poids, ou la perte d'un fiancé) en se construisant une nouvelle vie de toutes pièces ? Qu'est-ce au juste le besoin de reconnaissance ? Et si ce n'était que cette satanée impossibilité à supporter la solitude et l'anonymat auquel elle condamne ? La thèse de la mythomanie est avancée dans la nouvelle, mais elle ne saurait satisfaire un lecteur attentif. Il y a beaucoup de romanesque dans cette nouvelle, je trouve et mon plaisir de lecture ne fut pas amoindri par les quelques coquilles à excuser à l'aune de l'indulgence envers l'auto-édition (que je pratique aussi) d'un texte littérairement réussi.

J'aime résolument que la littérature soulève des questionnements, tout en proposant une image lucide de notre monde. C'est amplement le cas ici, où comme l'annonce l'avertissement : « aussi, toute ressemblance avec des personnes existantes ou ayant existé ne saurait être que fortuite. »
L'autrice veut ancrer son récit dans des contrées qui nous parlent (Lyon, Paris, Strasbourg, « les rives de la Garonne », un « bidonville du Nord-est de l'Inde ») tout en visant un certain effacement des éléments qui existent réellement afin de hisser la narration au rang d'exemplaire universalité. Ainsi, dans ma nouvelle préférée, Mana la « dolotière », est elle aussi une femme « intemporelle » d'Afrique ou d'ailleurs. Ce qui importe c'est la force de la figure féminine, ici sa sagesse.

Un livre féministe alors (« nous discutions de l'impératif épanouissement personnel de la femme », celle qui donne la vie)? Peut-être que oui. Un livre bien documenté aussi et qui ne manque pas d'humour.
Les mots deviennent « aurore » de la noirceur ambiante.
Où trouver « une personne sans soucis » si ce n'est dans la littérature ?

Ces onze textes (certains aux allures de contes, le dernier entre slam et poésie) semblent à mon sens, tous faire l'écho de cette citation de Erlend Loe(« Doppler »): « Nous naissons seuls et nous mourons seuls. Il s'agirait de s'habituer à cet axiome séance tenante et pour de bon. La solitude est fondamentale dans toute cette construction. »
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