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Critique de gill


Une vieille édition, une préface signée Lucien Descaves, n'y aurait-il pas assez que ces deux raisons pour relire "mon oncle Benjamin" ?
Il y en aurait bien une troisième :
Celle que Claude Tillier, son auteur, eût été bien embarrassé d'être riche !
Claude Tillier était un pamphlétaire.
Celui que craignait l'oppresseur.
Celui qui était l'espoir de l'opprimé.
Claude Tillier était un homme de 48, la plus belle des révolutions.
"Mes mémoires", sous-titré "Mon oncle Benjamin" est le manuscrit, envoyé en 1842 à "l'Association", journal de Nevers, qui aura sauvé Claude Tillier de l'oubli.
Il sera publié, en 16 feuilletons, de mars à décembre de la même année.
Cette édition, parue en 1927 à "La Connaissance" est présentée par Lucien Descaves.
"On se lasse de tout, excepté de connaître".
Les ciseaux d'Anastasie, la censure, avaient amputé le texte d'origine.
Il est ici restitué dans son intégralité.
Dès les premières lignes, ce livre est réjouissant.
En moins de mots qu'il ne faut à un huissier pour saisir, Tillier règle son compte à Dieu, à ses valets et à son suppôt le roi.
C'est qu'il ne craint pas que dieu en vienne à lui réclamer des dommages et intérêts !
Par conséquent il déploie son ironie mordante contre celui-ci et contre ceux-là qui défendent son honneur.
Vivre vaut-il d'ouvrir les yeux ?
Claude Tillier possède un sens de la formule imaginatif, un style fantaisiste et enlevé qui emporte le lecteur.
Ce roman est picaresque.
Il ne vaut pas tant par les aventures un peu naïves de Benjamin que par le fond de sa philosophie.
Quiconque sème des privilèges doit recueillir des révolutions !
Le propos est éminemment subversif.
Il est assez moderne.
Claude Tillier se fait même fugitivement écologiste dans un paragraphe.
"Voyez, dit Benjamin, comme la décomposition va plus vite que la recomposition. Cette terre parée de verdures et de fleurs, c'est un phtisique dont les joues sont roses, mais dont la vie est condamnée"...
Claude Tillier raconte ici la vie quotidienne de l'oncle Benjamin, Benjamin Rathery, médecin altruiste, vieux garçon cultivé, qui se défend de ne vouloir jamais se marier, ni de ne jamais gagner trop d'argent.
Cependant Benjamin aime la vie.
Poursuivi par les remontrances de sa soeur, il vit à crédit au cabaret et trousse, joyeusement, le cotillon de ses belles contemporaines.
Il est un rebelle qui refuse de baisser les yeux devant l'inégalité, l'injustice sociale et la brutalité.
Ce livre est l'ancêtre du roman champêtre.
Il est aussi, malgré ses airs de joyeux récit sensuel, un pamphlet, une attaque impitoyable contre la monarchie de juillet et les vieux principes qu'elle défend.
C'est aussi une chanson subversive, un couplet pacifiste qu'entonne Benjamin lorsqu'il déclare : " la gloire d'un général qu'est-ce que c'est ? Des cités en débris [...], des femmes livrés à la brutalité des soldats [...], des tonneaux de vin défoncés dans les caves...", un réquisitoire contre la peine de mort, contre le mariage forcé et la dureté de la justice de l'époque.
Pourtant Claude Tillier s'y montre comme vulgairement réac, et par trop léger lorsqu'il évoque l'erreur judiciaire et l'univers carcéral.
Au final, "Mon oncle Benjamin" est un roman souriant, optimiste et joyeux, certes un peu désuet mais il est, aussi et surtout, un cri de liberté ...
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