Nous sommes des parents, maintenant, et le baptême fait partie du boulot, dit Lily. C'est une police d'assurance.
- Contre quoi ?
- Au cas où l'enfer et le paradis existent. Je ne veux pas que notre bébé se retrouve coincé au purgatoire. C'est comme une salle d'attente où ton tour ne vient jamais.
Les marques sur le corps de son père avaient toujours été là. Il ne les montrait pas spécialement à Loo, mais ne les cachait pas non plus. Elles lui faisaient penser aux cratères de la Lune, qu'elle examinait la nuit avec son télescope. Des cercles imprimés par des comètes et des astéroïdes qui s'écrasaient violemment contre la pierre froide et dure dépourvue d'atmosphère pour les brûler. Comme ces cratères, les cicatrices de Hawley étaient les signes de dégâts antérieurs, qui avaient affecté sa vie bien avant la naissance de Loo. (P. 47)
Il avait oublié combien cela pouvait être agréable, de se servir seulement de la force du vent. Rien que le bruit des vagues frappant les côtés de la coque et le doux écho des drisses contre le mât. C'était une leçon d'humilité d'être confronté à un tel paysage, de fendre les kilomètres qui s'étendaient au-dessus de la surface et en dessous, les strates de créatures de toutes tailles et de toutes formes qui passaient sous la coque fragile du bateau en allant s'entre-dévorer. P. 409
Hawley en avait rencontré, au fil des ans, des nanas dures à cuire, mais c'étaient les difficultés de la vie qui les avaient façonnées ainsi. Mabel, c'était autre chose. Sa dureté était constitutive, et elle la balançait aux autres avec la violence d'un pétrolier qui fonce au milieu d'une flottille de barques à rames.
La sécurité bascula. La crosse du fusil vint se caler contre son épaule. La visée était là pour la guider quand elle inclina légèrement la tête, leva le canon d'à peine un centimètre, inspira puis expira à moitié. Elle appuya sur la détente.
Puis vint le grondement.
C'était un bruit si fort qu'il chassa tout le reste de l'esprit de Loo - comme une gomme effaçant la totalité de ses pensées. Un bref instant elle ne fut plus qu'une personne en un lieu, sans qu'il n'y ait ni passé ni futur, juste cet instant-là où sa vie s'ouvrait d'un coup - où elle était éveillée, vivante, réelle. Alors le grondement faiblit jusqu'à n'être plus qu'un écho et elle se retrouva dans son ancienne peau, le souvenir de l'instant passé réduit à une odeur de poudre dans l'air, comme une allumette craquée et vite soufflée.