Intersections

Intersections . Jonathan Tirari auto-édition.
Je remercie l'auteur pour m'avoir proposé de découvrir son livre. Nous avons pu échanger un peu avant que je ne me plonge dans son roman.
L'auteur: Après avoir appris qu'un élève de son école a quitté le pays pour combattre et pour y laisser la mort, J.Tirari s'est intéressé à la source du problème et a décidé de rédiger un roman social sur base de faits réels.
Le défi était de taille, écrire un premier roman , rester le plus près possible de la réalité telle que la perçoit l'auteur.
Je pense que la forme récit aurait été mieux adaptée au projet initial. le choix de l'auteur a été celle du roman choral, donnant tour à tour la parole à chacun de ses personnages . Jean, le banquier, Karim, l'informaticien, Baptiste l'entrepreneur, et Sarah, la docteur. Un choix possible mais casse-coup! Ma déception est à la hauteur de l'attente. Je m'attendais à un regard ouvert et bienveillant des uns vis à vis des autres, j'ai croisé des stéréotypes caricaturaux aux propos outranciers. Prendre la plume est un art difficile.

Je remercie vivement Jonathan Tirari pour sa confiance. Il y a quelques mois, il m'a confié son roman, Intersections, pour lecture et avis, me le présentant comme une tentative d'explication des problèmes sociologiques existant dans les métropoles comme Bruxelles.
De père tunisien et de mère anglaise, l'auteur belge sait de quoi il parle en matière de multi-culturalité.
Partie d'un simple scénario, cette histoire est devenue un livre que l'auteur aimerait, à présent, adapter pour le cinéma.

Une intersection est un lieu où des routes ou des chemins se croisent, un endroit où des lignes, des surfaces, des volumes se retrouvent, se coupent ou se télescopent…
Ce roman est le récit de rencontres plurielles, le chevauchement de plusieurs histoires qui vont se superposer et s'imbriquer. La narration est polyphonique dans une alternance de points de vue, de cultures et de temporalités.
Les choix narratifs de Jonathan Tirari sont un peu déroutants. le récit n'est pas linéaire… Les titres des chapitres sont des prénoms, les dates sont données à partir d'un Jour J dont les lecteurs ne découvriront la teneur qu'à plus de la moitié de leur avancée dans le livre. Ce jour J est celui d'une jonction particulière entre deux protagonistes ; la narration se construit en termes d'avant et d'après et se décline en mois, en semaines ou en jours par rapport à ce jour J.

Une galerie de personnages…
Jean est manager dans une banque ; son couple bat de l'aile ; ses rêves de jeunesse sont loin ; il est devenu pantouflard. Victime d'un attentat dans le métro bruxellois, il tombe amoureux de la femme médecin qui le soigne à l'hôpital…
Sarah est marocaine, musulmane non pratiquante ; elle était chirurgienne dans son pays, mais elle travaille comme simple urgentiste en Belgique où elle est venue pour aider financièrement son père malade, resté au pays, qui a besoin d'un médicament très onéreux.
Karim est le frère de Sarah ; il est informaticien et rêve de décrocher un rendez-vous galant avec Marie Louise, la femme la plus convoitée de l'entreprise où il travaille ; il est tiraillé entre son milieu familial traditionnel et l'univers professionnel impitoyable où il gravite.
Baptiste est un épicurien ; c'est un entrepreneur dynamique qui voyage beaucoup, un dragueur invétéré… Il a un peu perdu de vue son vieil ami Jean. Parmi ses copains du moment, figure Karim.
Jawad est le cousin de Karim ; il a plutôt bien réussi avec son entreprise de taxi. Il a la réputation d'être un homme au grand coeur… Son épouse travaille au même endroit que Karim.
Abdullah est chef d'équipe dans la même société ; il se radicalise et essaie d'entraîner le jeune informaticien à sa suite.

Tout le propos de ce roman tourne autour de l'altérité. Malgré leurs préjugés et leurs différents chemins de vie, Jean, Sarah et Karim éprouvent le même désir : découvrir l'autre.
Jonathan Tirari maîtrise son sujet, cite le Coran, émaille son discours de tournures belges et arabes, abonde son texte de notes de bas de page explicites, didactiques, drôles parfois… J'ai beaucoup apprécié sa neutralité, l'ambivalence assumée de ses personnages pour qui rien n'est simple : les musulmans radicalisés ne sont pas jugés, la position des femmes est bien cernée... Certains passages peuvent choquer, paraître caricaturaux au premier abord ; je pense qu'ils sont le reflet d'une certaine réalité sociale et linguistique.
Même si je dois avouer que je n'ai pas vraiment réussi à m'attacher aux différents protagonistes, je reconnais que ce roman m'a agréablement surprise par sa construction spatiale et la circularité de ses interactions.

Un roman un peu dérangeant mais qui pose de réelles questions sur la cohabitation entre différentes communautés.

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