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Critique de spleen


En 1912 , Mieczyslaw Wojnicz , jeune homme polonais , arrive à Görbersdorf , en Silésie, pour soigner sa tuberculose .
Cette ville est connue pour son sanatorium et de nombreux curistes y séjournent.

Wojnicz est hébergé dans une pension tenue par Monsieur Opitz.
Elle n'est occupée que par des hommes, plutôt d'un certain âge en dehors d'un jeune homme, Thilo dont la maladie est à un stade avancée. C'est le seul avec qui se lie notre jeune héros.

Les journées s'écoulent paisiblement au rythme des soins, des promenades et des temps de repos en chaise longue .

Seules les soirées à la pension sont animées, les débats entre ces messieurs d'origine, de religion et d' opinions bien différentes fusent , accentués par la consommation d'une liqueur locale appelée Schwärmerei .

On discute politique, culture, religion , philosophie et souvent des femmes, qui ont toutes un caractère faible et un cerveau plus petit que l'homme, c'est une évidence.

Notre jeune ami se sent plutôt étranger à ces soirées mais apprécie également la boisson qui entraine un état au delà de l'ivresse avec un effet hallucinogène pour lui.

Il évolue entre son passé avec une enfance auprès d'un père exigeant, l'absence de sa mère défunte et une nourrice qui est la seule personne à lui avoir apporté de l'affection et un futur incertain lié d'une part à sa maladie et d'autre part à une malformation qui le confine à une fragilité qu'il ne sait pas contourner et le rend pusillanime .

Règne une nostalgie dans sa langueur qui va de paire avec sa maladie , le spleen des jeunes romantiques...

Il sent autour de lui des présences étranges qui se manifestent la nuit dans le grenier ou lors de ses balades dans les bois.

Alors, venons-en aux fameuses Empouses , spectres ou démons de la mythologie grecque , filles de la déesse Hécate .

Ce sont elles qui décrivent les personnages par leur apparence vestimentaire en commençant par les chaussures ... On les imagine comme des animalcules grouillant dans le sol plus que comme des esprits éthérés .
On les entend en choeur ponctuant le récit de leurs remarques .
"Nous, les empouses, nous les observons d'en bas, comme toujours, par en dessous; nous les voyons comme de gigantesques colonnes au sommet desquelles se trouve un petit appendice qui parle : la tête. Leurs pieds écrasent de façon mécanique le sous-bois, brisent les petites plantes, déchirent les mousses, piétinent les corps minuscules des insectes qui n'ont pas eu le temps de fuir le cataclysme annoncé par les vibrations. Sous la canopée, le mycélium tremble encore un moment après leur passage, cette vaste texture maternelle diffuse l'information de la présence d'intrus et de la direction où porte leurs pas ."
Où sont les femmes d'ailleurs dans ce récit ?
La découverte du corps de la femme d'Opitz morte alors qu'il vient d'arriver, perturbe puis obsède Woljnicz, comme il recherche à travers ses balades "la femme au chapeau" , une apparition plus qu'une présence .

Dans cette petite ville thermale de Görsberdorf, Wolnicz est alerté par un des pensionnaires de la survenue annuelle d'un meurtre d'un homme jeune , une sorte de rituel dont l'existence est cachée et les auteurs sont inconnus .

D'un rythme assez lent, le récit s'accélère en toute fin du roman .
Les monstres apparaissent mais ne sont pas forcément ceux que l'on imagine et l'épilogue prend une tournure étonnante même si certains indices peuvent orienter.

Cette langueur, allais-je dire , en pensant à l'état de notre jeune homme, cette lenteur donc, est largement compensée par la peinture ciselée que fait Olga Tokarczuk de cette société d'hommes misogynes où la femme est absente physiquement mais toujours proche dans les esprits .
L'écriture est magnifique et j'ai pris beaucoup de plaisir aux descriptions, tant des hommes que de la nature .

Le sous-titre de ce livre est : roman d'épouvante naturopathique , je ne sais pas où voulait en venir exactement l'auteure mais en découvrant les soins infligés aux malades phtisiques, on peut frémir ou sourire ....
"la faiblesse se soigne au champagne , l'insomnie au cognac avec du lait avant de se mettre au lit "
À lire en écoutant les Nocturnes de Chopin .

Avec un grand merci à NetGalley et aux Éditions Noir sur Blanc

#Lebanquetdesempouses #NetGalleyFrance
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