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Critique de elisecorbani


Isaac Babel est un écrivain difficile à découvrir et à comprendre pour le public français. Difficile car il faut se plonger dans toute la complexité et les ambivalences de l'identité du personnage, et de son époque, ultra violente. Difficile également d'aller à la rencontre d'un auteur dont l'oeuvre est fragmentaire puisque les censeurs soviétiques ont confisqué ses travaux avant de l'exécuter purement et simplement.
Ses textes n'ont été diffusées en France que tardivement et il était probablement compliqué de saisir leur ambiguïté dans un contexte idéologique où le communisme restait un idéal à défendre...

Pour faire connaître cette figure tragique des lettres soviétiques, Camille de Toledo et Alexander Pavlenko ont imaginé ce roman graphique qui n'est pas vraiment biographique et pas vraiment fictionnel non plus. Je suis toujours circonspecte avec les projets qui mélangent l'histoire vraie et la fiction mais dans ce cas, les auteurs ont pris beaucoup de précautions pour contextualiser la démarche et ne pas embrouiller le lecteur.
Le récit s'accompagne également d'une annexe tout à fait biographique (chronologie et entretien avec la traductrice des oeuvres complètes) qui permet de poser des faits.

Le récit est construit sur 3 trames : les années 2000 avec un dialogue entre la fille de Babel et un historien de l'association Mémorial, à propos d'une lettre posthume retrouvée. La réclusion de Babel à la fin des années 30, emprisonné et torturé, ses pensées tournées vers sa fille a qui il écrit cette fameuse lettre (imaginee par les auteurs). Et enfin la mise en image du récit des aventures du "roi" de la pègre juive d'Odessa, Bénia Krik, personnage emblématique de Babel, dans sa version scénarisee pour le projet de film non abouti avec Einsenstein.

La lecture est passionnante même si je l'ai trouvée exigeante car le contexte n'est pas évident à remettre en place vu de France (sensation que j'ai eue aussi avec la lecture des nouvelles de Babel lui même). En outre, autant le dire, le tout est tragique et j'ai ressenti beaucoup d'émotions.
J'ai apprécié les partis pris graphiques : couleurs ternes, flash noir et blanc, les cadrages sont intéressants. J'ai été moins séduite par le dessin et le lettrage que j'ai trouvé un peu frustes. C'est sûrement plus le projet intellectuel qui compte dans la démarche des auteurs que l'aspect esthétique.

Ce roman graphique est une bonne porte ouverte à qui veut découvrir cet écrivain dont le destin et les oeuvres font bouger et réfléchir dans nos petites vies tranquilles...
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