J'ai lu il y a quelques années
La sonate à Kreutzer de
Tolstoï et me souviens combien j'avais été tiraillée entre la beauté du style et la rudesse du propos. On ferme le livre en se disant qu'il est difficile de prétendre que le féminisme n'a rien changé à nos vies. Il semblerait bien que
Sophie Tolstoï, bien évidemment première lectrice du grand homme, ait ressenti un inconfort semblable, alors qu'elle recopiait de larges passages - sinon l'entièreté - du texte avant de le confier à l'éditeur.
Elle décide donc d'offrir la contrepartie du récit de son mari (présenté ici pour la première fois en traduction française), opposant à la bestialité de l'amour charnel de
la Sonate à Kreutzer un texte dans lequel elle aborde plutôt les aspirations disons moins incarnées de la femme, à travers le personnage d'Anna, une jeune artiste qui, par amour, lie son destin à celui du prince Prozorski, qui écrit des textes philosophiques. Plus âgé qu'elle, il a bien sûr vécu et donc connu de nombreuses aventures et, en digne représentant du genre, il continue bien évidemment de « garder l'oeil ouvert », ce qui la torture de jalousie. (Difficile d'être plus transparent ici.) D'abord déchirée, elle finit par se faire une raison et trouve un exutoire auprès de ses enfants... jusqu'à ce qu'elle fasse la rencontre d'un vieil ami de son mari, Bekhmetiev, avec lequel elle entretient non pas une aventure extra-conjugale sulfureuse, mais bien plutôt un amour platonique qui favorise échanges, réflexions et même rires partagés avec les enfants.