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Citations sur Qu'est-ce qu'un homme sans moustache ? (8)

Ils sont étranges, les habitants de Smiljevo. La nouvelle du décès avait provoqué l’agitation, comme l’annonce d’un événement heureux et solennel – ici, les tragédies sont toutes vécues comme des événements heureux et solennels : nobles et graves, elles sont ce qui, dans la vie des habitants de Smiljevo, peut arriver de mieux. En vérité, les hommes d’ici ne sont jamais aussi bons et bienveillants, aussi obligeants et généreux que lors d’un décès : au seuil du trépas, les familles se réconcilient, elles oublient les contentieux fonciers, on réhabilite les flemmards et les ivrognes. Le mieux, c’est quand un médecin, un prêtre, un instituteur, voire un ingénieur, c’est-à-dire un citoyen en vue et instruit, passe l’arme à gauche. Tous se mettent sur leur trente et un, se raclent la gorge avec sérieux lors de la procession funéraire, tirent les oreilles des enfants qui jacassent en portant les couronnes. Et s’il y a du monde aux obsèques, on dit : « C’était un bel enterrement. »
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Le lendemain matin, ayant retrouvé son sang-froid, il se rendit chez Stanislav. Le torrent fangeux de la haine qui épouvantait son entourage s’était tari. Il se sentait l’esprit clair, la colère ne l’étouffait plus. Pendant la nuit s’était opéré un changement qualitatif que seule la science juridique saurait décrire : le crime passionnel que l’émigré avait été sur le point de commettre s’était transformé en une envie de meurtre prémédité en tout point civilisée.
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Tap-tap-tap-tap-tap… Un bruit de bottes s’élevait du bord de la route qui longeait les vignes et les champs de maïs.
– Ne pleure pas, maman chérie ! hurla une des recrues qui couraient couvertes de branchages et de broussailles.
– Ne pleure pas, maman chérie ! répéta la troupe à l’unisson.
– T’as fait naître un abruti ! conclut le soliste dans la plus pure tradition lyrique militaire.
– T’as fait naître un abruti ! acquiescèrent les soldats d’une seule voix.
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– Stipan, dit Stanislav après un certain temps.
– Oui ?
– Ça fait un moment que j’aimerais te poser une question.
– Oui, dis-moi.
– Quelle est la position officielle de l’Église en ce qui concerne les nichons siliconés ?
– Jésus Marie Joseph, qu’est-ce qui te passe par la tête ?
– Je pensais à ça l’autre jour : les nichons siliconés sont inconciliables avec les Saintes Écritures.
– Ah bon ? s’exclama le curé. Et pourquoi ça ?
– Tu sais bien ce qui est écrit dans la Bible : « Souviens-toi, homme, que tu es poussière et que tu redeviendras poussière. »
– Et ?…
– Les nichons siliconés ne peuvent pas se transformer en poussière. Ils sont imputrescibles.
– Imputrescibles ? s’étonna don Stipan.
– À mon avis, ils sont imputrescibles. C’est quand même du plastique, non ? Le plastique ne pourrit pas, il lui faut parfois des centaines d’années pour se décomposer. La femme meurt et pourrit, le cercueil se putréfie, mais les nichons, eux, demeurent intacts.
– Non, ça ne peut pas être vrai, contesta don Stipan.
– Puisque je te dis que ça l’est, fit le Glandu. Même après cent ans, on dirait que les nichons viennent de sortir d’usine.
– Mais non ?!
– Si, sortis d’usine.
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Le concept de « jeune femme indépendante », idéal sacré de tous les magazines féminins émancipés, est aux antipodes de la vision du monde des habitants de Smiljevo. L’adjectif « indépendante », estimé au plus haut point et prononcé de manière solennelle uniquement à la suite du mot « Croatie », est quasiment inconnu en toute autre occasion : on ne l’utilise jamais, jamais on ne remarque son inexistence dans l’homogénéité harmonieuse de la communauté. Dans le village où trois ou quatre générations partagent le même toit, où certains atteignent l’âge de la retraite sans avoir découvert la joie du rugissement autoritaire, personne n’est jeune et indépendant. Avec un tel système de valeurs, le fait que quelqu’un soit a) jeune, b) indépendant et, par dessus le marché, c) une femme pousse toute vieille baderne un peu plus émotive que la moyenne à bouffer son propre chapeau graisseux.
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Elle n’avait jamais essayé d’appréhender le caractère et la logique de cet autocrate coléreux, et encore moins de contredire son paternel. Même à présent qu’elle était blessée et exaspérée, il ne lui venait pas à l’idée de se rebeller, comme si le comportement de son géniteur était une manière de karma cosmique. Son père était pour cette pauvre jeune fille craintive ce que les maladies et les inondations sont pour les tribus africaines ou amazoniennes : une puissance terrible et inintelligible à laquelle on doit se soumettre, se résignant à sa sauvagerie, ou que l’on doit fuir.
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- Nous aimerions dîner.
- Pas de problème. Menu du jour ou à la carte ?
- Je ne sais pas, dit Ivica. Qu'est-ce que vous me recommandez ?
- Nous avons de très belles saucisses grillées... Madame prendra bien une saucisse ? dit le serveur insolemment.
Tatjana sursauta.
- Madame ne prendra pas de saucisse, dit le Général fermement.
Tatjana lui sourit avec gratitude, heureuse de rencontrer un homme qui n'aime pas les blagues sur les saucisses, les concombres, les bananes... (p. 172)
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- Ça va exploser, dit un homme en caleçon de bain, les lèvres serrées.
- Pas forcément, répondit un soldat en uniforme de camouflage.
- Ça explose toujours...
Le gros en t-shirt Motorhead avait rejoint la voiture ; il s'accroupit du côté conducteur. Les côtes enfoncées par la portière déformée, affalé sur le plafond tapissé de l'habitacle, la tête entre les genoux, contusionné et sanguinolent, Marinko d'Andjelija vit à travers un épais brouillard des serpents sortir d'une tête de mort, et il se dit qu'il était en enfer. "Et merde, pensa-t-il, j'espérais mieux." Puis il s'évanouit. Le grassouillet trouva la clé derrière le volant et coupa le moteur. Les roues cessèrent de tourner.
- Il est vivant ! cria Motorhead. Il est vivant, appelez une ambulance ! (pp. 177-178)
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