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Citations sur Qu'est-ce qu'un homme sans moustache ? (13)

Une brise soudaine souleva le rideau, un éclair déchira le ciel dans le lointain. Stanislav bougea sur sa chaise, leva la tête de sa machine à écrire de la marque Unis dans laquelle, depuis le début de la soirée, était glissée une feuille vierge de papier vélin. L'homme considéra anxieusement la nuit électrique, se faisant humble devant l'orage qui, telle une force impure, se rapprochait depuis les ténèbres ; il passa nerveusement les doigts dans ses cheveux, mordilla sa moustache, replongea dans ses réflexions, les doigts tragiquement suspendus au-dessus du clavier, puis tapa d'un seul jet : "On ne peut pas péter et se retenir en même temps."
A cet instant précis retentit un terrible coup de tonnerre...
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Et là, en plein milieu de l'après-midi de fête calme et repu, au milieu des conversations politiques transcendantes menées autour des restes de pastèques, du cliquetis des services qu'on lave et de l'odeur du café, à l'instant où Karlo, cent deux ans, le plus vieil habitant de Smiljevo auquel on ne donne du vin qu'à la Saint-Antoine, éclate en sanglots, demandant qu'on lui amène Simun, son premier-né mort à trois ans de la grippe espagnole il y a plus de huit décennies, un cri résonne. Comme une tempête d'été, la nouvelle d'un terrible accident s'abat sur Smiljevo.
Don Stipan est mort !
- Don Stipan est mort ?! Don Stipan ?! Mort ?! Tu es sûre ?! Qui te l'as dit ?! Comment ?! Où ?! Doux Jésus ! Saint Vierge Maris pleine de grâce ! couinent les femmes en se signant à qui mieux mieux.
On abandonne les couverts et le café, les discussions cessent, les chants s'interrompent, les ivrognes se dégrisent. La vie s'arrête à Smiljevo, le village entier se mobilise autour de la tragédie qui a frappé son berger. Tous le monde se précipite vers la maison paroissiale, dans la cour de laquelle, dit-on, gît le curé, mort, réduit en bouillie comme un chat écrasé, la tête arrachée, ne laissez pas les enfants voir ça.
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La kermesse battait son plein, on entendait des chansons, du grabuge. Les enfants criaient sur le manège, les garçons attrapaient les sièges métalliques des filles avec audace, comme des Tarzan en herbe, et les projetaient au loin. Les cheveux au vent, la jupe virevoltante, ces dernières criaient de peur et de plaisir en même temps. C'est un mélange explosif, plus dangereux que le kérosène, plus puissant que le trinitrotoluène : sur l'échelle aphrodisiaque, le manège est une expérience satanique. « Chaud devant ! Chaud devant ! » crachait l'antique haut-parleur. À juste titre.
Le manège est déconseillé non seulement aux amoureux, mais aussi aux ivrognes. Ce plaisir vertigineux leur est même expressément interdit; sur un bout de planche cloué sur un piquet planté à côté du manège, on a gribouillé d'une écriture tremblante : « Accès strictement interdit aux ivrognes ». Le propriétaire en avait décidé ainsi après que, deux ans plus tôt, une bande de couillons avinés s'étaient hissés, malgré ses conseils, sur les chaises métalliques, sans même pouvoir s'attacher tout seuls. Le manège s'était mis à tourner, ils avaient eu mal au coeur, comme de juste. et avaient vomi, soumis à la force centrifuge, sur les gens alentour, les cimes des châtaigniers et les façades des maisons avoisinantes.
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- Stipan, dit Stanislav après un certain temps.
- Oui ?
- Ca fait un moment que j'aimerais te poser une question.
- Oui, dis-moi.
- Quelle est la position officielle de l'Eglise en ce qui concerne les nichons siliconés ?
- Jésus Marie Joseph, qu'est-ce qui te passe par la tête ?
- Je pensais à ça l'autre jour : les nichons siliconés sont inconciliables avec les Saintes Ecritures.
- Ah bon ? Pourquoi ça ?
- Tu sais bien ce qui est écrit dans la Bible : "Souviens-toi, homme, que tu es poussière et que tu redeviendras poussière."
- Et ?...
- Les nichons siliconés ne peuvent pas se transformer en poussière. Ils sont imputrescibles.
- Imputrescibles ? s'étonna don Stipan.
- A mon avis, ils sont imputrescibles. C'est quand même du plastique, non ? Le plastique ne pourrit pas, il lui faut parfois des centaines d'années pour se décomposer. La femme meurt et pourrit, le cercueil se putréfie, mais les nichons, eux, demeurent intacts.
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Que Smiljevo est charmant au mois de mai, lorsque l'ombre noueuse sous le clair de lune, comme un monstre biscornu devant la fenêtre, se transforme peu à peu en amandier à la première lueur du jour pointant derrière les collines bleutées ! Ou à midi, quand les cloches sonnent si fort qu'on a l'impression que le ciel du bon Dieu est fait de tôle, et que les paysans qui travaillent la terre se nourrissent d'œufs durs, d'oignons frais et de fromage, de lard et de saucisson étalés sur des linges de cuisine avec des fraises pour motifs. Peut-être est-il plus beau encore au crépuscule, lorsque les nuages empourprés s'épanchent sous l'effet d'un vent venu d'on ne sait où. Ou la nuit, quand le silence n'est troublé que par les grillons, les chiens et les ivrognes qui chantent, rient ou se disputent avec leurs femmes qui les ont quittés depuis belle lurette, se débattant pendant des heures dans le fossé où ils sont tombés ivres morts, pour finir par s'endormir puis se réveiller à huit heures, voire plus tard, couverts de rosée et de fourmis.
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Le lendemain matin, ayant retrouvé son sang-froid, il se rendit chez Stanislav. Le torrent fangeux de la haine qui épouvantait son entourage s’était tari. Il se sentait l’esprit clair, la colère ne l’étouffait plus. Pendant la nuit s’était opéré un changement qualitatif que seule la science juridique saurait décrire : le crime passionnel que l’émigré avait été sur le point de commettre s’était transformé en une envie de meurtre prémédité en tout point civilisée.
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Le concept de « jeune femme indépendante », idéal sacré de tous les magazines féminins émancipés, est aux antipodes de la vision du monde des habitants de Smiljevo. L’adjectif « indépendante », estimé au plus haut point et prononcé de manière solennelle uniquement à la suite du mot « Croatie », est quasiment inconnu en toute autre occasion : on ne l’utilise jamais, jamais on ne remarque son inexistence dans l’homogénéité harmonieuse de la communauté. Dans le village où trois ou quatre générations partagent le même toit, où certains atteignent l’âge de la retraite sans avoir découvert la joie du rugissement autoritaire, personne n’est jeune et indépendant. Avec un tel système de valeurs, le fait que quelqu’un soit a) jeune, b) indépendant et, par dessus le marché, c) une femme pousse toute vieille baderne un peu plus émotive que la moyenne à bouffer son propre chapeau graisseux.
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Elle n’avait jamais essayé d’appréhender le caractère et la logique de cet autocrate coléreux, et encore moins de contredire son paternel. Même à présent qu’elle était blessée et exaspérée, il ne lui venait pas à l’idée de se rebeller, comme si le comportement de son géniteur était une manière de karma cosmique. Son père était pour cette pauvre jeune fille craintive ce que les maladies et les inondations sont pour les tribus africaines ou amazoniennes : une puissance terrible et inintelligible à laquelle on doit se soumettre, se résignant à sa sauvagerie, ou que l’on doit fuir.
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Tap-tap-tap-tap-tap… Un bruit de bottes s’élevait du bord de la route qui longeait les vignes et les champs de maïs.
– Ne pleure pas, maman chérie ! hurla une des recrues qui couraient couvertes de branchages et de broussailles.
– Ne pleure pas, maman chérie ! répéta la troupe à l’unisson.
– T’as fait naître un abruti ! conclut le soliste dans la plus pure tradition lyrique militaire.
– T’as fait naître un abruti ! acquiescèrent les soldats d’une seule voix.
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– Stipan, dit Stanislav après un certain temps.
– Oui ?
– Ça fait un moment que j’aimerais te poser une question.
– Oui, dis-moi.
– Quelle est la position officielle de l’Église en ce qui concerne les nichons siliconés ?
– Jésus Marie Joseph, qu’est-ce qui te passe par la tête ?
– Je pensais à ça l’autre jour : les nichons siliconés sont inconciliables avec les Saintes Écritures.
– Ah bon ? s’exclama le curé. Et pourquoi ça ?
– Tu sais bien ce qui est écrit dans la Bible : « Souviens-toi, homme, que tu es poussière et que tu redeviendras poussière. »
– Et ?…
– Les nichons siliconés ne peuvent pas se transformer en poussière. Ils sont imputrescibles.
– Imputrescibles ? s’étonna don Stipan.
– À mon avis, ils sont imputrescibles. C’est quand même du plastique, non ? Le plastique ne pourrit pas, il lui faut parfois des centaines d’années pour se décomposer. La femme meurt et pourrit, le cercueil se putréfie, mais les nichons, eux, demeurent intacts.
– Non, ça ne peut pas être vrai, contesta don Stipan.
– Puisque je te dis que ça l’est, fit le Glandu. Même après cent ans, on dirait que les nichons viennent de sortir d’usine.
– Mais non ?!
– Si, sortis d’usine.
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