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Critique de Bartzella
Ce superbe roman, tout en émotions, s'est lu presque d'une traite, en apnée, tant il y a de la douleur derrière les mots, une certaine amertume, aussi. On y palpe la déception de soi, des autres... le reflet fracassé de qui l'on devient en grandissant.
Anna Gauthier est fille unique d'un couple ayant très peu de moyens. Propriétaires d'une petite épicerie de village et honnêtes travailleurs, Anna les voit souvent compter les maigres piles de sous. Déjà enfant ils n'ont pas beaucoup de temps à lui consacrer, on les sent quasi absents de sa vie. Mais là où le bât blesse vraiment, c'est lorsqu'un groupe à l'école se met sur son dos et lui fait subir le pire, sans arrêt...
Anna n'est pas heureuse. Studieuse et douée en classe, elle se promet de bosser dur, de faire tout ce qui est en son pouvoir pour se sortir de cet endroit, de cette ville, de cette vie. En ne comptant que sur elle-même. Au fil des ans, elle apprendra à se fondre dans n'importe quel milieu, elle deviendra experte à faire ce qu'il se doit, à devenir ce que l'on attend d'elle. Comme une pâte à modeler.
"Elle avait réussi : six ans après avoir franchi la ligne de départ, elle maîtrisait son personnage. Quiconque la croisait lui témoignait une considération naturelle. Elle avait trouvé sa place, à bonne distance de la lumière, assez près pour être éclairée, assez loin pour ne pas voler la vedette aux autres filles et se préserver des jalousies."
C'est ainsi que bien des années plus tard, elle devient pharmacienne, propriétaire de son propre local. Elle est compétente et appréciée par ses pairs. Puis, elle se marie avec Hugues. Caméléon presque tout le temps, son vrai moi demeure enfoui quelque part, pourtant, toujours aux aguets, toujours apeurée que l'on découvre ses origines et qu'elle retrouve son statut de victime d'autrefois. Elle éprouve de la honte (de tout) alors qu'elle devrait être fière de s'être sortie de la misère sans aide extérieure. Anna est l'image du succès, la preuve vivante que malgré son passé, malgré ses blessures, on peut se relever si l'on met assez de volonté. Sa résilience est un modèle pour nous, lecteur.
"Un tesson d'éternité" aborde plusieurs sujets: les traumatismes de l'enfance, l'intimidation, la pauvreté, le fossé entre les classes sociales, l'importance du bien paraître, les failles du système judiciaire, l'amitié, les préjugés, le déchirement presque inévitable d'un couple lorsqu'il traverse un véritable drame, et bien d'autres encore...
"Ils se sont préparés l'un à côté de l'autre dans la salle de bains, lui nouant sa cravate, elle ses cheveux, veillant à ne pas s'effleurer. Ils sont désormais deux murs de glace séparés par un abîme, mais qui s'en douterait ? À peine sortis de leur voiture, ils sont à nouveau les Gauthier, cette entité bourgeoise avenante aux contours parfaitement dessinés."
À travers le personnage d'Anna, le lecteur prend conscience de tout ce qui est craquelé en nous. Les nouvelles difficultés auxquelles elle fait face en tant qu'adulte sont loin d'être dérisoires et tout à fait possibles; n'importe qui pourrait être confronté à une crise de ce genre, nul n'est à l'abri. Peu importe son statut social, peu importe sa renommée, peu importe l'état de son compte bancaire, peu importe les efforts de toute une vie à mener le plus beau parcours possible, irréprochable, sans tache. Parce que même si l'on tente, soi, d'agir au mieux, nous n'avons cependant aucun contrôle sur les agissements des autres ! Anna est sur le point de le découvrir... Ce qui s'ensuivra fera trembler toutes ses convictions, les bases d'une vie qu'elle croyaient solides. Même si on peut braver le passé, celui-ci ne disparaît jamais complètement.
C'est un roman sensible, plein d'humanité, que j'ai beaucoup aimé, qui m'a fait réfléchir sur des points sérieux auxquels je n'avais jamais pris le temps de m'attarder. C'est un roman sur la vie telle qu'elle est. Avec ses hauts et ses bas. Émouvant et magnifiquement bien manié, il contient peu de dialogues, la vision étant plutôt de l'intérieur; camouflée, privée, secrète, telle une porte dérobée, réservée au lecteur plus qu'à la famille du personnage.
CHALLENGE PLUMES FÉMININES 2023
Anna Gauthier est fille unique d'un couple ayant très peu de moyens. Propriétaires d'une petite épicerie de village et honnêtes travailleurs, Anna les voit souvent compter les maigres piles de sous. Déjà enfant ils n'ont pas beaucoup de temps à lui consacrer, on les sent quasi absents de sa vie. Mais là où le bât blesse vraiment, c'est lorsqu'un groupe à l'école se met sur son dos et lui fait subir le pire, sans arrêt...
Anna n'est pas heureuse. Studieuse et douée en classe, elle se promet de bosser dur, de faire tout ce qui est en son pouvoir pour se sortir de cet endroit, de cette ville, de cette vie. En ne comptant que sur elle-même. Au fil des ans, elle apprendra à se fondre dans n'importe quel milieu, elle deviendra experte à faire ce qu'il se doit, à devenir ce que l'on attend d'elle. Comme une pâte à modeler.
"Elle avait réussi : six ans après avoir franchi la ligne de départ, elle maîtrisait son personnage. Quiconque la croisait lui témoignait une considération naturelle. Elle avait trouvé sa place, à bonne distance de la lumière, assez près pour être éclairée, assez loin pour ne pas voler la vedette aux autres filles et se préserver des jalousies."
C'est ainsi que bien des années plus tard, elle devient pharmacienne, propriétaire de son propre local. Elle est compétente et appréciée par ses pairs. Puis, elle se marie avec Hugues. Caméléon presque tout le temps, son vrai moi demeure enfoui quelque part, pourtant, toujours aux aguets, toujours apeurée que l'on découvre ses origines et qu'elle retrouve son statut de victime d'autrefois. Elle éprouve de la honte (de tout) alors qu'elle devrait être fière de s'être sortie de la misère sans aide extérieure. Anna est l'image du succès, la preuve vivante que malgré son passé, malgré ses blessures, on peut se relever si l'on met assez de volonté. Sa résilience est un modèle pour nous, lecteur.
"Un tesson d'éternité" aborde plusieurs sujets: les traumatismes de l'enfance, l'intimidation, la pauvreté, le fossé entre les classes sociales, l'importance du bien paraître, les failles du système judiciaire, l'amitié, les préjugés, le déchirement presque inévitable d'un couple lorsqu'il traverse un véritable drame, et bien d'autres encore...
"Ils se sont préparés l'un à côté de l'autre dans la salle de bains, lui nouant sa cravate, elle ses cheveux, veillant à ne pas s'effleurer. Ils sont désormais deux murs de glace séparés par un abîme, mais qui s'en douterait ? À peine sortis de leur voiture, ils sont à nouveau les Gauthier, cette entité bourgeoise avenante aux contours parfaitement dessinés."
À travers le personnage d'Anna, le lecteur prend conscience de tout ce qui est craquelé en nous. Les nouvelles difficultés auxquelles elle fait face en tant qu'adulte sont loin d'être dérisoires et tout à fait possibles; n'importe qui pourrait être confronté à une crise de ce genre, nul n'est à l'abri. Peu importe son statut social, peu importe sa renommée, peu importe l'état de son compte bancaire, peu importe les efforts de toute une vie à mener le plus beau parcours possible, irréprochable, sans tache. Parce que même si l'on tente, soi, d'agir au mieux, nous n'avons cependant aucun contrôle sur les agissements des autres ! Anna est sur le point de le découvrir... Ce qui s'ensuivra fera trembler toutes ses convictions, les bases d'une vie qu'elle croyaient solides. Même si on peut braver le passé, celui-ci ne disparaît jamais complètement.
C'est un roman sensible, plein d'humanité, que j'ai beaucoup aimé, qui m'a fait réfléchir sur des points sérieux auxquels je n'avais jamais pris le temps de m'attarder. C'est un roman sur la vie telle qu'elle est. Avec ses hauts et ses bas. Émouvant et magnifiquement bien manié, il contient peu de dialogues, la vision étant plutôt de l'intérieur; camouflée, privée, secrète, telle une porte dérobée, réservée au lecteur plus qu'à la famille du personnage.
CHALLENGE PLUMES FÉMININES 2023
