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Critique de PatriceG


Fumée
Roman (1866)
Ivan Tourgueniev (1818-1883)

Il y a des auteurs pour qui la vie n'est pas simple, ils se la disent d'ailleurs avec talent dans leurs romans, et pourtant ils avaient comme celui dont il en retourne ici, tout pour être heureux au départ. Ils vont trainer comme ça sur leur mine un quelque chose de grave qui ne dit pas tout, indéfinissable. Mais en tout cas, notre Ivan qui en impose physiquement n'est pas genre à se plaindre. Quand sa mère, la princesse forte de 5000 hectares, et de je ne sais combien d'âmes sujettes, sévère, qui va tout faire dans la maison, partit, il s'en alla, l'âme lancinante ; cette légère mélancolie il ne la passera jamais aux autres, étant trop bien élevé à l'ancienne dans une famille de renom où la rigueur était à peine tenable, mais il en restera des stigmates, indéniablement qui vont donc nourrir la complexité du personnage. Il n'avait rien d'un taciturne, forgeant une amitié durable avec les gens. Peut-être que sur une femme oui, la femme de sa vie, mariée, son ilôt de confort, il en fit davantage, son coeur ne va s'arrêter jamais pour une autre, il lui donna tout son amour. Il s'agit là en fait d'une amitié amoureuse, une sorte de dilection. Seul un psychologue pourrait mettre des mots sur ce singulier rapport. En citation, je vais mettre ses derniers mots pour elle, un poème anthologique qui illustre bien le personnage.

Il ne faut pas que j'oublie dans ce court portrait d'amateur qui me vient comme ça en me frottant à la célèbre figure d'Ivan Tourgueniev, la grande culture du brave homme qu'il se plaisait à faire partager auprès de ses amis nombreux. du mystère qu'il dégageait aussi, on s'aperçoit qu'il était foncièrement tourné vers les autres, - comme s'il voulait les prendre à témoin de quelque chose qui s'apparente à un destin hors normes -, sauf avec peut-être encore plus de mystère dans sa relation avec les femmes, mais pour lui, il faut peut-être revenir à l'enfance, l'adolescence, formule un peu passe-partout de nos jours mais qui semble bien s'appliquer à l'écrivain russe qui fut la coqueluche d'une montagne d'adorateurs russes dès le milieu du siècle de sa naissance et de sa mort.


Fumée, il semble que l'intitulé était conçu pour la partie polémique de ce livre vue en premier lieu comme cible où va se nicher une histoire d'amour qui paradoxalement va se construire, suivre les méandres de la société qui la porte et venir en épilogue impromptu adoucir son cours tumultueux et dérangeant.

Tourgueniev semble las du temps qui passe en Russie impériale et qui se répète, empêtrée dans ses vieux démons. Il ne se remet pas des querelles sempiternelles qui éclatent dans les sénacles entre les intellectuels de l'époque, hauts lieux de l'élite bourgeoise de la capitale du nord. Il semble définitivement incompris et va du coup s'employer férocement à la dénigrer, à la rejeter. Sa vie propre semble en correspondance avec sa fiction : ce sera réellement son départ du pays qui l'a vu naître où il reviendra en séjours espacés pour peaufiner ses fictions. La France qui va l'accueillr sera le pays où il partage le plus à la fois sa légèreté et sa liberté. Et encore, il ne faut pas trop fantasmer là-dessus, il donnait volontiers son amitié aux français, mais a-t-il cessé d'être russe pour autant. Curieusement son déracinement lui fera miroiter les qualités profondes d'une Russie épurée rendant visible un peuple bon et humain pas vu par tout le monde. C'est un peu une espérance à la Gogol qu'il cultivait l'attachant Ivan.

C'est une véritable aventure amoureuse que nous conte Tourgueniev, à la russe ai-je envie de dire, dans un style décousé mais qui plaît, tellement on la voit proche d'autres auteurs célèbres. Tout cela s'agence bien, au milieu de ses rancoeurs envers la société russe ; j'ai eu juste un peu de mal à coller à l'intrigue quand Irina entre dans une forme de jeu contre toute attente, même si la qualité de la relation sera sauve. J'ai eu l'impression de voir une autre personne ! N'est-ce pas aussi la personnalité complexe et secrète de l'auteur qui transparaît ? Cultiver quelque peu cette ambivalence servit en tout cas à Ivan Tourgueniev puisqu'il fut un des auteurs les plus lus chez ses contemporains. PG
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