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Critique de ahasverus


Deux ans après l'excellent "Vendredi ou les Limbes du Pacifique", Michel Tournier revoit sa copie à l'attention d'un public junior dans un livre illustré d'environ 200 pages.

"Vendredi ou la Vie Sauvage" reprend les aventures des "Limbes", le sexe en moins bien sûr ! Il édulcore les mauvais côtés que les plis de la nature humaine laissent trop évidemment dans le premier ouvrage.

Ainsi Robinson tue le premier être vivant qu'il croise sur l'île par peur, mais non par colère. Il ne cherche pas non plus à abattre Vendredi lors de sa fuite. Et s'il lui refuse un nom chrétien, ce n'est pas parce qu'il estime qu'un Indien n'est pas "un être humain à part entière". Tournier rend ses héros plus"bankable" pour la jeunesse. le Vendredi nouveau ne tue plus le bouc Andoar gratuitement : il veut récupérer la chevrette que celui-ci lui a ravie. Il est intéressant de noter que Tournier utilise la racine alémanique "Andar", ("l'Autre"), pour baptiser les caprins que Vendredi combat et convoite.

La sexualité explicite des "Limbes" est gommée. La jalousie n'apparaît que pour la possession de la chevrette, enjeu de la lutte finale entre Vendredi et le mâle dominant dont Anda semble la favorite. Pour les curieux, il existe une étude de Fabienne Roitel sur "Le Baroque érotique chez Michel Tournier".
Le discours de "La Vie Sauvage" est donc heureusement revisité à l'intention du jeune public. La cavité que Robinson craignait de souiller de sa semence dans le roman "Les Limbes" n'est plus le "ventre de Spéranza", mais les bras de la mère de l'Anglais. Loin des désirs charnels, il retrouve "la paix merveilleuse de son enfance". Des morales simples sont dispensées au fil des pages, sur la paresse, le racisme. Des perroquets servent à fustiger la futilité des bavardages

Vendredi devient explicitement le professeur de Robinson, qui le prend "pour modèle". Notre Indien, après avoir initié l'Anglais à cette vie sauvage, décide de le quitter en catimini pour goûter aux curiosités d'une existence civilisée. S'agit-il d'un jeu de dupes ? Tournier pose ses filets à fleur d'eau : l'Araucan, qui a appris la liberté à Robinson, ne va-t'il pas, paradoxalement, grossir les rangs des esclaves en répondant aux sirènes de la civilisation ? La perte de la vie sauvage ne signifie-t'elle pas, dans tous les cas, et pour tout le monde, l'asservissement ?

Destiné à un public jeune, "Vendredi ou la Vie Sauvage" est avant tout un roman d'aventures et d'amitié qui ouvre une porte sur la réflexion philosophique. L'écriture est adaptée, l'intrigue rapide, avec quelques pointes d'humour. Elle me semble calibrée pour sa cible, mais j'orienterais plutôt un public jeune vers les démonstrations philosophiques plus évidentes, plus merveilleuses, par exemple, du Micromégas de Voltaire.
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