Citations sur Les Emotions (21)
Je la regardais, et je pensais que quelque chose arrivait, quelque chose m’arrive, me disais-je. C’est là une singulière vertu de l’amour ou du sentiment amoureux de se rendre compte que ce qui arrive nous arrive à nous-même et à personne d’autre — c’est à moi, à moi que cette chose arrive —, que le regard adressé, le geste esquissé, l’est pour nous et pour nous seul, et le fort sentiment d’élection que cette vérité nous procure nous apporte un intense bien-être qui fait disparaître instantanément tout le reste, la fatigue et les soucis professionnels, les mauvais pressentiments et la hantise. p. 227
C'est là une singulière vertu de l'amour ou du sentiment amoureux de se rendre compte que ce qui arrive nous arrive à nous même et à personne d'autre - c'est à moi, à moi que cette chose arrive - que le regard adressé, le geste esquissé, l'est pour nous et pour nous seul, et le fort sentiment d'élection que cette vérité nous procure nous apporte un intense bien-être qui fait disparaître instantanément tout le reste, la fatigue et les soucis professionnels, les mauvais pressentiments et la hantise.
Mon père était mort.Je me le disais en ces termes, "mon père était mort", et je songeais qu'au moins l'inquiétude qui l'avait accompagné toute sa vie disparaissait maintenant avec lui.
Mais a–t-on toujours envie de savoir ce que nous réservent les prochains jours ou les prochaines semaines, a-t-on toujours envie de savoir ce que nous deviendrons dans un futur plus ou moins éloigné, quand on sait que ce qui peut nous arriver de plus stupéfiant, le matin, quand on se lève, c’est d’apprendre qu’on va mourir dans la journée ou qu’on va vivre une nouvelle aventure amoureuse ou sexuelle dans les heures qui viennent ? Le sexe et la mort, rien ne peut nous émouvoir davantage, quand il s’agit de nous-même.
Les choix invisibles de nos parents, leurs désirs secrets ou subliminaux, guident souvent nos vies bien plus que nous en avons conscience.
"Les véritables émotions sont intimes et silencieuses."
Car les hommes politiques sont rarement enclins à prendre en compte le temps long dans leurs décisions, pour la simple raison que les mesures prise en fonction des impératifs du long terme ne produisent leurs effets, s'ils en produisent, que beaucoup plus tard, dans un temps où ceux qui les ont prises ne sont plus aux affaires. A quoi bon prendre des décisions difficiles et impopulaires si on ne peut en tirer profit lors des prochaines échéances électorales ? C'était particulièrement frappant aujourd'hui dans le domaine du changement climatique, où les mesures urgentes les plus élémentaires étaient sans cesse renvoyées à plus tard.
La mort d’un homme, parfois, correspond à la fin d’une époque. Stefan Zweig est mort à un des pires moments de l’histoire, quand le ciel était noir en Europe et l’horizon bouché aussi loin que le regard pouvait porter. Témoin direct du plus sauvage triomphe de la brutalité qu’ait connu le monde, Zweig a vécu l’intrusion violente de la réalité du monde extérieur dans son univers intime comme peu d’intellectuels l’avaient expérimenté avant lui. Il a vu son monde, le monde dont il était familier, un monde de raison, d’art, de raffinement et de culture, disparaître littéralement sous ses yeux, tandis que l’humanisme
sur lequel étaient fondées toutes ses valeurs était balayé par le nazisme. Même si c’est à des événements moins tragiques que mon père a été confronté dans les dernières années de sa vie, je voyais un parallèle entre sa mort et la mort de Zweig. Les dates de leurs morts respectives coïncidaient l’une et l’autre avec l’exact creux d’une vague de l’histoire, quand l’aube espérée après la longue nuit dont parle Zweig dans sa dernière lettre, n’est pas encore venue. En un sens, on pourrait dire que Zweig et mon père sont morts à temps, dans la mesure où ils ont cessé de voir la catastrophe qui les entourait et n’ont pas assisté au désastre qui leur a survécu. p. 170
J’avais envie de déposer ma main sur son bras, mais je n’osais entreprendre le moindre geste. Il y a toujours un moment, dans les relations amoureuses, où, même si on sait que nos corps vont finir par se rapprocher, qu’une étreinte va survenir, qu’un baiser ne va pas tarder à être échangé, on demeure dans l’attente, et rien ne se passe si on ne prend pas la décision d’agir. Même si on sait l’un et l’autre que quelque chose de tendre est susceptible de survenir à tout instant, il y a un dernier cap à franchir, qui peut sembler minuscule, et dont on peut même se rendre compte, a posteriori, en se retournant pour revoir la scène dans son souvenir, que ce n’était en réalité qu’un tout petit gué tellement aisé à traverser, mais qui, tant qu’il n’est pas franchi, tant qu’on ne l’a pas passé, demeure un obstacle insurmontable. Il y a toujours ce dernier seuil symbolique à franchir, qui nous fait passer d’un état d’attente heureuse au dénouement attendu, quand les mains se rejoignent et que les lèvres s’unissent. Et c’est d’ailleurs peut-être le fait que cette attente soit si souvent heureuse qui explique que, tant de fois, pour ma part, je n’aie jamais été plus loin. Comme si c’était dans la félicité de la promesse que j’avais vécu mes plus belles heures d’amour. p. 76-77
"Stefan Zweig, dans son livre Sternstunden der Menschheit, parle de certains alignements d'étoiles qui font qu'à des instants précis de l'histoire s'accomplissent des moments d'une grande concentration dramatique qui sont porteurs de destin, où il arrive qu'un décision capitale se condense "en un seul jour, une seule heure et souvent une seule minute". "