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Critique de PedroPanRabbit


Avec la sortie au cinéma cet hiver du Retour de Mary Poppins, les éditions du Castor Astral ont eu l'excellente idée de publier en un volume les deux derniers tomes de la saga Mary Poppins, jusque là restés inédits en France! Mary Poppins in Cherry Tree Lane (1982) et Mary Poppins and the house next door (1988) sont ici présentés dans une magnifique édition. Traduites par Thierry Beauchamp (qui avait déjà assuré la traduction du Retour de Mary Poppins aux éditions du Rocher), ces deux ultimes aventures sont introduites par un entretien donné par P.L.Travers au New York Times en 1978, et par une préface du traducteur ; cette édition est par ailleurs merveilleusement mise en page et illustrée par Clara Lauga avec une fantaisie de circonstance.

Ces deux textes, très pertinents, viennent rappeler qui est la véritable Mary Poppins. Thierry Beauchamp a manifestement tout cerné de l'auteure et de son personnage, et de la complexité de cet univers foisonnant aux croisement des références : inspirations mystiques, goût pour l'ésotérisme et le symbolisme, mais aussi une certaines gravité. Des éléments qu'on avait pu voir poindre progressivement à la lecture des quatre précédents tomes. P.L.Travers elle-même, à en juger par son interview, n'entendait pas ses romans comme une oeuvre destinée à la jeunesse : elle les voyait dans la lignée de ces classiques qui avaient résonné dans le coeur des plus jeunes au point que ces derniers se les étaient appropriés, à l'instar des écrits de J.M.Barrie ou même des contes traditionnels.

Si vous souhaitez faire une lecture chronologique de ces deux dernières histoires, nous vous invitons à commencer par la fin, c'est à dire par Dans l'Allée des Cerisiers (placé en seconde position mais publié en 1982) puis finir par La maison d'à côté (1988), le dernier écrit de l'auteure. Cette fois, pas de chapitrage ni d'enchainement d'épisodes : les deux ultimes textes de la saga Mary Poppins relèvent davantage de la nouvelle, avec une structure plus linéaire...

Dans l'Allée des Cerisiers se déroule dans le parc situé face à la maison des Banks, décor qui avait déjà été mis en exergue comme véritable théâtre des enchantements dans Mary Poppins en promenade (Mary Poppins in the park). Nous sommes le soir de la St Jean et voilà que tous les habitants de Cherry Tree Lane se donnent rendez-vous dans cet écrins de verdure en plein crépuscule, au grand dam du très zélé gardien qui aimerait fermer les grilles. Dans une atmosphère de douce euphorie où l'on confond les buissons avec les personnages, tous les habitants du quartier s'en remettent aux astuces de superstition pour trouver l'amour, comme sous l'influence d'un sortilège temporaire que seule Mary Poppins semble comprendre. Deux références majeures pointent à la lecture de cette histoire : Shakespeare et son célèbre Songe d'une nuit d'été (racontant les quiproquos sentimentaux et autres sortilèges amoureux entre humains et fées pendants la nuit de la St Jean), ainsi que James M.Barrie et son Peter Pan dans les jardins de Kesington (dans lequel le parc devient un lieu de magie et de fantaisie une fois la nuit tombée, un passage vers d'autres mondes). Une nouvelle malicieuse et légère qui baigne dans les superstitions celtes.

La maison d'à côté, en revanche, dégage une toute autre atmosphère. Histoire peut-être la mieux construite et la plus émouvante de la saga, cette nouvelle raconte le retour de Miss Andrew, l'ancienne horrible gouvernante de Mr Banks (apparue dans le retour de Mary Poppins), laquelle vient s'installer au numéro 18 de l'Allée des Cerisiers. Un emménagement qui ne perturbe pas que la famille Banks mais toute la rue, puisque chacun avait projeté sa propre imagination sur cette maison vide, la peuplant en rêve d'amis ou de voisins fictifs. L'arrivée de Miss Andrew vient ainsi piétiner l'espace propre aux chimères de tous les habitants de Cherry Tree Lane, ce qui, avant même son arrivée, la rend déjà très impopulaire. Lorsque leur nouvelle voisine s'installe, elle ne s'installe pas seule, mais accompagnée d'un petit garçon à la peau basanée appelé Luti. Né sur une île lointaine, Miss Andrew l'a arraché à sa famille en promettant de l'éduquer convenablement, mais fort est de constater que l'enfant lui fait davantage office de garde-malade! Toute la rue se prend d'affection pour cet enfant littéralement lumineux et bienveillant, se débrouillant toujours pour lui déposer des cadeaux en cachette de son horrible tutrice. Mary Poppins, elle, semble concocter un plan en secret... Lorsque Luti demande aux enfants Banks de l'aider à retourner sur son île, la nounou se met en action et fait s'envoler tout ce joli monde de l'autre côté de la lune, où l'un de ses oncles aidera Luti à retrouver ce (ou ceux) qu'il a perdu...

Pour le traducteur et auteur de la préface Thierry Beauchamp, cette ultime nouvelle renvoie en partie à l'histoire personnelle de P.L.Travers qui adopta, à 40 ans, un enfant irlandais qu'elle fit séparer de son jumeau sans jamais le lui avouer. Dès lors, La maison d'à côté se pare d'une dimension métaphorique forte, venant "réparer" une blessure très intime dans la vie de l'auteure. C'est probablement pourquoi, comme on le disait plus haut, autant d'émotion traverse cette histoire à visée quasi thérapeutique, en venant évoquer avec autant de poésie ce qu'il advient des choses (ou des personnes) qu'on perd...

On notera également que La maison d'à côté marque le terme d'une évolution dans la saga, et sur plusieurs points : entre autres, on constate que les enfants Banks ont cessé de poser des questions quant au mystère qui entoure Mary Poppins. Même, ils sont de connivence avec elle et la nounou devient la meilleure des alliées dans leur opération de sauvetage. Enfin, concernant les personnages secondaires, on réalise que les voisins de Cherry Tree Lane ont pris de plus en plus d'épaisseur et que même les parents Banks ont une place plus importante, en partie le père des enfants qui dévoile ici une fantaisie et une imagination insoupçonnées. Des qualités que cet homme autrefois rigide aura probablement développé au contact de l'irremplaçable nurse, dont on comprend qu'elle est en fait ni plus ni point qu'une véritable enchanteresse du quotidien.
Lien : https://books-tea-pie.blogsp..
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