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Critique de hannah851


En ce dernier quart du XIXe siècle, Londres est devenue la première place financière au monde grâce au pouvoir économique et politique de l'Empire britannique fort des richesses de ses colonies et de l'industrie qui a transformé le pays. L'avènement du capitalisme et l'essor à grande échelle du crédit vont attirer des escrocs en tous genres sans moral ni loi. La corruption gangrène rapidement tous les échelons d'une société qui cherche l'enrichissement et le profit rapides. Très marqué par ces changements, Anthony Trollope n'hésite pas à prendre la plume pour brosser le portrait d'une société où le monde de la finance a pris la première place en bouleversant les règles traditionnelles et les moeurs.

L'écriture parfois virulente de l'auteur est empreinte d'ironisme et de cynisme du début à la fin de ce roman fleuve dont le titre "Quelle époque!" donne le ton du roman.

Au coeur de cette intrigue au long court se trouve le personnage d'Augustus Melmotte, un financier véreux, aux origines incertaines, tout nouveau venu à Londres. Malgré les soupçons qui pèsent sur l'origine et l'état de sa fortune, une kyrielle de personnages issus de l'aristocratie tentent d'obtenir ses faveurs. Homme fort de la City, directeur de la filiale anglaise du très prometteur Chemin de Fer du Pacifique et du Mexique, candidat au Parlement, hôte généreux de l'Empereur de Chine son ascension est fulgurante tout autant que sa chute, six mois à peine après son arrivée à Londres. La brièveté de son règne financier contraste avec celle de l'aristocratie qui malgré sa fragilité financière et son manque d'évolution face au capitalisme survit tant bien que mal. Frileuses dans un premier temps, les familles aristrocratiques les plus désargentées sentent très vite quelles avantages elles peuvent tirer en gravitant dans la sphère de ce financier. de Lord Alfred qui le suit comme son ombre à Lord Longestaffe qui lui vend son hôtel particulier, tous sont en quête d'une fortune rapide et d'un train de vie à jamais perdu. Cependant, ils ne sont pas seulement des victimes innocentes des malversations de Melmotte car ils ont eux aussi leur part de malhonnêteté.

Fiancé de Marie Melmotte et endetté chronique, Sir Félix et ses camarades de jeux du club de la Fosse-aux-Lions incarnent cette génération de jeunes aristocrates ayant dilapidé leur fortune et en quête d'une jeune héritière à la dot généreuse pour les mettre définitivement hors d'atteinte de leurs débiteurs poussés par leurs progéniteurs. Sans morale ni coeur, Sir Félix n'hésite pas à entraîner à la ruine sa mère Lady Carbury et sa soeur Hetta. C'est poussé par ce besoin de nouvelles ressources financières mais également de reconnaissance que Lady Carbury se lance dans l'écriture de romans qu'elle souhaite à succès. Pour cela, elle joue agréablement de ses charmes auprès des critiques littéraires pour s'assurer le succès dans les journaux de l'époque plutôt que de viser l'excellence dans sa création.

Quelques personnages cependant apparaissent habités d'une droiture et d'une morale qui leur permettent de résister aux dérives du moment comme notamment Hetta Carbury, Marie Melmotte ou Robert Carbury.

Fourmillant d'histoires aux multiples rebondissements parallèles à l'intrigue principale, cette fresque se révèle passionnante par son intensité, les nombreux détails sur les manoeuvres financières de Melmotte, du monde politique et journalistique mais aussi sur les mariages arrangées et l'hypocrisie de l'aristocratie. L'humour de l'auteur innerve l'ensemble de ce récit intelligemment construit. L'intensité et la virulence des reproches de l'auteur envers ses contemporains sont très vives tout long du roman. Il s'amuse ainsi à caricaturer à l'extrême les sentiments ou la cupidité de certains personnages comme la pugnacité de Lady Georgiana Longestaffe à vouloir faire un riche mariage coûte que coûte même si c'est avec un homme plus vieux que son père, l'entichement absurde de Ruby pour Sir Félix ou encore l'amour inconditionnelle de Lady Carbury pour son fils. Cependant, il modère ses propos dans l'épilogue en ménageant une fin optimiste avec une valse de mariage, qui apparaît comme un retour à l'ordre traditionnel, une fois que la disparition ou l'émigration des éléments les plus perturbateurs du récit aient été effectives.

J'ai passé un excellent moment happée par le récit à l'atmosphère victorienne si particulière malgré les huit cents pages de ce roman qui au final se dévorent facilement.
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