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Critique de mh17


L'homme sans talent est un recueil de nouvelles pour adultes publié au milieu des années 80. le dernier de son auteur à ce jour. Yoshiharu Tsuge est le maître du « watakushi manga », littéralement « la bande dessinée du moi ». Comme pour le roman du moi japonais, il s'agit « d'un court récit porté par le personnage principal évoluant dans son quotidien en proie à un malaise profond. » Ce malaise est exprimé avec parcimonie par le récitatif, grâce à quelques dialogues mais surtout à travers l'histoire dessinée qui reflète le vécu et surtout l'intimité du personnage : souvenirs, rêves, fantasmes et autres pensées toujours sombres et le plus souvent inavouables.*
Dans l'Homme sans talent, le personnage principal ressemble à un double de l'auteur dans les années 50-60 . Un mangaka mélancolique qui ne veut plus dessiner. Il a des yeux tristes à la Buster Keaton, une moustache à la Charlot et n'a pas de bouche. Il se sent totalement inadapté au monde contemporain effréné, matérialiste et refuse tout compromis. En ce sens il est sans talent car inutile pour la société japonaise de l'après guerre. Il se lance dans des activités commerciales totalement absurdes et vouées à l'échec : il vend des pierres-paysages qu'il pêche dans la rivière du coin ou bien encore des appareils-photos d'occasion hors d'usage. Il enfonce de plus en plus sa famille dans la précarité. Les basses-contingences matérielles ne l'intéressent pas. Il fuit sa femme qui voudrait le ramener à ses responsabilités et qui l'humilie devant son gosse. le visage de sa femme est d'ailleurs caché une bonne partie du recueil. Il se complaît dans l'errance et la rencontre d'autres marginaux. Il désirerait se retirer du monde comme le faisaient encore les poètes-mendiants au début du XXème siècle. Se fondre dans la nature, faire corps avec les pierres-paysages, s'envoler avec les oiseaux, comme cet étrange oiseleur à apparence de corbeau. S'effacer totalement dans la brume comme le fit Seigetsu, le poète. Mais son petit garçon le ramène malicieusement à la réalité au moment où il se laisserait totalement partir. L'humour est d'ailleurs heureusement présent dans ce recueil très sombre : répétitions de dessins, arrivées triviales inattendues de personnages ou d'événements qui désamorcent les pulsions érotiques ou suicidaires et puis surtout autodérision à froid omniprésente jusque dans la dernière planche, ouverte à toutes les interprétations.
J'ai adoré ce manga et je poursuivrai ma découverte de l'oeuvre de Yoshiharu Tsuge le plus tôt possible.

*voir l'article de Béatrice Maréchal « La Bande dessinée du moi, un genre singulier »(persee.fr)
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