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Critique de Aela


Aela
11 septembre 2016
Quelle fresque sociale magistrale!
Pour son dixième roman, "L'insouciance", l'auteure Karine Tuil a réalisé un travail important de documentation, notamment auprès des services de l'Armée, au sujet des soins donnés aux soldats ayant servi en Afghanistan et en Irak et souffrant de stress post-traumatique.
Dans son récit quatre personnages s'entrecroisent: Romain, un lieutenant revenu traumatisé d'Afghanistan après la mort de plusieurs de ses hommes qu'il n'a pu sauver, Marion, une jeune et séduisante journaliste mariée à François Vely, homme d'affaires influent issu d'une famille juive convertie au catholicisme, et Osman, fils d'immigrés ivoiriens, ancien éducateur social en banlieue, interlocuteur au moment des émeutes de 2005 et devenu conseiller du président de la République de droite.
On n'a aucune peine à identifier les personnages réels qui ont inspiré l'auteure ( à tel point qu'on a l'impression que seul le nom de famille a été changé..) L'entourage de l'ancien Président de la République est tellement bien évoqué (sous des noms différents) que l'on a vraiment l'impression de revivre une page de notre histoire.
Ce qui est extrêmement bien rendu dans ce livre et ce qui m'a particulièrement touchée, c'est ce portrait d'une société française marquée par le clivage ou plutôt les clivages raciaux, sociaux, religieux, des communautés qui coexistent sans vraiment communiquer et avec des a priori sur leurs voisins, une société marquée par des formes très accentuées de formatage social, à tel point que cela en devient une caricature, des élites qui ont toutes le même parcours et peu l'occasion de voir "la vie réelle".
Bref c'est un tableau pessimiste et qui nous fait réfléchir.
Le portrait de François Vély, accusé de racisme après avoir posé sur une oeuvre d'art représentant une femme noire accroupie est particulièrement féroce.
Le manager reconnaît cette faute, faute qui peut être interprétée comme un manque de respect envers une communauté, le fait de poser assis sur cette oeuvre d'art particulièrement transgressive, rien n'y fait et un certain public va jusqu'à ressortir les origines juives (et cachées) de ce patron très connu.
Livre sur la fraction sociale, l'identité, la place que chacun cherche à trouver dans une société dure et fractionnée, le sujet est bien maîtrisé et particulièrement d'actualité.
Un monde particulièrement dur se révèle à nos yeux: une société où les marques d'empathie sont bannies, un monde qui fonctionne selon un système clanique.
"On vit une époque particulièrement tourmentée, la violence a contaminé toutes les sphères de la société, y compris la sphère intime", dit Karine Tuil. C'est cette violence généralisée qui est au coeur de "L'insouciance".
Une oeuvre que j'ai trouvé magistrale.
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