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sur 988 notes
Qu'il semble difficile de juger ce roman. Mais faut se décider, donc go : j'ai choisi de l'aimer. Non, de l'encenser.

J'ai choisi de me laisser captiver par les vies mouvementées de ce pdg de bonne famille juive ou pas, on ne sait plus. de sa femme journaliste amoureuse, plus amoureuse, re-amoureuse etc... bref une femme. de l'amant d'icelle (c'est joli icelle, je me fais plaisir), donc de cet amant banlieusard neuf-troisien converti en soldat et ravagé par la barbarie des guerres. de cet ex-animateur social blackos (quota oblige) devenu conseiller à l'Elysée (quota oblige), puis ex-conseiller, on ne sait plus.
Ok je l'accorde : l'encensement annoncé n'est pas évident à première vue. Oh, ben si quand même. Et allons plus loin, respirez donc cette belle odeur de clichés sociaux. Hmm, que ce roman fleure bon la caricature à pleines narines. le juif et son argent, la femme et la romance, le 93 et ses emmerdes, l'islam et le terrorisme, le média fouteur de m... trouble, le black et le racisme. Bref, ça transpire le trop. de là à le reprocher à madame Tuil, il n'y a qu'un pas. Pas que je ne franchirai pas et avis qui ne m'a même pas titillé l'azerty quelques secondes. Car j'ai choisi d'aimer ai-je dit. Faut suivre. Et donc d'aborder ce roman sous un angle différent que celui du cliché. Et ce, grâce au magistral talent narratif de Karine Tuil, son écriture accrocheuse, son oeil incontestablement juste sur une réalité sociétale qui dérange.

Place donc à quatre personnages aux parcours atypiques, progressivement brossés. Bien-né, mal-né, chacun porte sa croix et traîne son lot de casseroles. Qui forgeront des caractères forts, solides, ambitieux en apparence, mais aux fragilités qui exsudent subtilement sous une plume ingénieuse. Quatre personnages en quête d'un destin déjà écrit ou à écrire. Fil conducteur patiemment brodé : peut-on échapper à ses origines? Ceci au travers de thèmes de société bien actuels : rang social, religion, médias, pouvoir, identité, communautarisme sont scrupuleusement autopsiés avec intelligence et méthode. La fiction au service du cash investigation. Ne voir qu'une caricature serait être finalement bien aveugle à ce monde qui nous entoure...

Roman explosif ancré dans un XXIème siècle explosif.
Par une Karine Tuil impériale de précision.
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J'attendais ce livre avec impatience tant le précédent L'invention de nos vies m'avait impressionnée, annonçant un tournant passionnant dans l'écriture de Karine Tuil. Nous y voilà donc, trois ans plus tard, et le résultat est époustouflant. Une puissance narrative qui vous happe dès les premières pages pour ne plus vous lâcher, une tension parfaitement maîtrisée du début à la fin et surtout, un récit tellement ancré dans le 21ème siècle qu'il risque d'en devenir un témoignage de référence pour les générations à venir.

"J'écris parce que la vie est incompréhensible", dit Marion Decker, l'un des quatre personnages principaux du roman. le moins que l'on puisse dire c'est que Karine Tuil nous la rend compréhensible, la vie. Elle nous brosse un tableau à la fois juste, sans concession et terriblement lucide de notre société en se faufilant dans les arcanes du pouvoir, au plus près de ceux qui prennent les décisions. Une société où l'image prédomine, où la communication est reine, où le pouvoir se gagne et se perd en un rien de temps sur le terrain médiatique, où les apparences comptent plus que le mérite. Mondialisation, géopolitique, jeux de pouvoir... Ses héros n'ont pas forcément toutes les cartes de leur destin en mains.

Mais L'insouciance ne serait pas un livre de Karine Tuil si la question de l'identité n'était pas au centre. Chacun des personnages a son problème d'identité, d'appartenance et c'est une source de vulnérabilité. François Vély, le puissant patron du CAC 40 à qui tout semble réussir se voit soudain ramené à ses origines juives, lui qui les a toujours volontairement ignorées. Osman Diboula, le fils d'immigrés parvenu à se hisser dans les coulisses du pouvoir en tant que conseiller à l'Élysée s'aperçoit qu'il a peut-être servi de caution "diversité" dans un milieu qui le renvoie sans cesse à ses origines. Romain Roller, le militaire engagé sur les théâtres d'opérations les plus dangereux, se demande, de retour d'Afghanistan, à qui profitent ces guerres et si elles valent les sacrifices humains qu'elles induisent. Quant à Marion Decker, journaliste-écrivain, dont le mariage avec François Vély est assombri par un terrible drame, elle peine à trouver sa place dans un monde auquel ses origines sociales ne l'ont pas préparée et qu'elle cherche à comprendre. Origines ethniques, origines sociales, culture, éducation, appartenances religieuses... pas facile de se forger sa propre identité quand tout nous renvoie à ce que nous sommes censé être.

"Il y a quelque chose de très malsain qui est en train de se produire dans notre société, tout est vu à travers le prisme identitaire. On est assigné à ses origines, quoi qu'on fasse. Essaye de sortir de ce schéma-là et on dira de toi que tu renies ce que tu es ; assume-le et on te reprochera ta grégarité."

La violence est partout, sur les terrains de guerre, bien sûr (quelles pages sur la condition de militaire, sur les réalités du terrain... !) mais surtout dans les rapports sociaux qui régissent le quotidien. Dans les relations intimes comme dans les relations professionnelles. Dans le lynchage médiatique qui peut jaillir d'une simple étincelle. C'est ce que l'auteure nous montre de façon magistrale en démontant les mécanismes qui mènent aux pires excès. Et en nous rappelant que l'on n'échappe pas à ses origines, à son histoire.

La société que nous dépeint Karine Tuil, c'est la nôtre. Complexe, violente, hypocrite, clanique. Derrière les façades qui abritent les lieux de pouvoir, par-delà les discours qui prônent l'intégration et la tolérance, la réalité est toute autre. de quoi donner à réfléchir.

Mais je vous rassure, L'insouciance est un vrai page turner qui puise sa force dans un contexte très documenté et captive par sa structure narrative et ses personnages taillés à la serpe. L'auteure tisse une toile d'une incroyable densité, mêlant histoire d'amour et drame social, contexte politique et destins individuels. On plonge dans ce roman avec un plaisir croissant au fil des pages, on vibre, on se révolte, on s'attache aussi... On veut croire que François Vély est dans le vrai lorsqu'il affirme "J'ai toujours cru en la capacité de l'homme à inventer sa vie, je ne fais pas partie de ceux qui pensent que tout est figé, imposé". Tout en sachant que ce n'est pas gagné.

Un grand roman, c'est souvent celui qui, à travers le prisme romanesque permet de mieux voir le monde et de le questionner. Un grand roman c'est celui qui vous happe, vous tient en apnée, vous fait lever plus tôt pour retrouver plus vite les personnages quittés à regret la veille. Et vous marque, durablement. Pas de doute, L'insouciance est un grand roman.
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Romain est soldat, il revient d'Afghanistan meurtri et tombe amoureux de Marion, jeune journaliste mariée à un riche entrepreneur. Piégé dans un scandale politico-médiatique, ce dernier sera soutenu par Osman, conseiller à l'Elysée, ayant gravi les marches du pouvoir après avoir été animateur social en banlieue.
Le nouveau roman de Karine Tuil est une plongée dans notre 21ème siècle. L'auteure s'empare des questions qui bousculent et questionnent le monde d'aujourd'hui et la société française en particulier : la guerre contre le terrorisme, la montée de l'antisémitisme, les réseaux sociaux, l'intégration, l'Islam radical.
Karine Tuil aborde avec maestria des sujets douloureux, les malaxe avec talent et s'en sert avec brio. Pour un bon moment de lecture, elle concocte finalement un livre original et dense, écrit avec engagement et fermeté !
J'ai eu un grand plaisir à retrouver Karine Tuil qui m'a procuré mon premier coup de coeur de cette rentrée littéraire.

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L'insouciance du danger qui menace les héros de Karine Tuil en fait des imprudents lourdement pénalisés par leur manque d'anticipation, leur ignorance ou leur négligence des codes d'une société contemporaine narcissique, superficielle et violente.

Romain, après une mission en Afghanistan, revient avec des blessures aussi invisibles qu'indélébiles. Marion, une journaliste talentueuse née dans un milieu modeste, épouse un homme riche et influent, mais oublie que la sécurité matérielle sans amour est un piège. Son mari, François, capitaliste flamboyant, néglige qu'en France il ne fait pas bon être fortuné et surtout l'afficher. Osman, quant à lui, jeune homme issu de l'immigration devenu conseiller du président, il ignore qu'en politique pour durer il faut savoir encaisser, même des insultes racistes.

Quatre personnages donc, qui évoluent dans la France d'aujourd'hui en proie au cynisme des gouvernants et de leurs amis, au racisme, à l'antisémitisme et au communautarisme. Une négligence à l'égard des plus faibles et une intolérance à la différence (relayée et favorisée par des médias souvent aussi bavards qu'incompétents) qui favorisent l'émergence des partis extrêmes, et empoisonnent les relations sociales. Quatre personnages, confrontés à des problèmes identitaires, que Karine Tuil réunit à la fin de ce long roman qui fait un état des lieux réaliste et prenant (même s'il n'évite pas toujours les poncifs) en décrivant la fin d'une époque d'insouciance.
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Tout d'abord je tiens à remercier vivement Price Minister et son opération « Matches de la rentrée littéraire », ainsi que les Editions Gallimard qui m'ont permis de lire ce roman

C'est le premier roman de Karine Tuil et je suis sous le charme. Cette histoire est très forte, tous les personnages ont été étudiés dans le détail : leurs qualités, leurs défauts, leur zones d'ombre, leurs fragilités….Je me suis attachée à chacun d'eux.

Elle décrit très bien ces soldats qui reviennent de la guerre (quand ils reviennent) avec un syndrome de stress post traumatique, comme Romain, qu'ils ont tendance à ne pas vouloir reconnaître, le déni permettant de rester un soldat qui ne se plaint pas, fait son devoir et refuse toute aide car ce serait de la faiblesse, avec de surcroît, la culpabilité du survivant.

Marion, la journaliste, qui a suivi ce groupe de soldats, a participé au stage de décompression sur une île grecque, comme si passer de l'horreur des bombes, des attentats-suicide, à une île paradisiaque avec tout le confort pouvait les aider en seulement quelques jours. Pour que l'Etat se donne bonne conscience.

L'auteur égratigne au passage la « discrimination positive » pour montrer qu'on peut venir de la banlieue et accéder à de hautes fonctions, et dissèque les états d'âme, le ressenti de ces hommes qui accèdent au pouvoir et à l'ivresse qu'il leur confère, mais peuvent tout perdre parce qu'ils se sont rebiffer à la suite d'une remarque désobligeante. Doit-on en faire encore plus quand on est Noir, qu'on n'a pas fait d'études supérieures et qu'on est sur un siège éjectable en permanence ?

Je pourrais parler de ce roman pendant des heures car tout m'a plu, l'histoire, les vies bouleversées, les souffrances, la situation politique interne et extérieure, la guerre, les otages, la dérive de certains jeunes de banlieue vers la radicalisation, car ils cherchent autre chose pour donner un sens à leur vie et ne se rendent plus compte de ce qui est bien et ce qui est mal.

L'auteure ne caricature pas, elle décrit sans jugement, de façon parfois lapidaire, égratignant les médias, les réseaux sociaux au passage et pose une question importante : peut-on échapper à ses origines, à sa condition sociale ? Mais aussi, à la conséquence de ses actes, n'est-on pas toujours rattrapé par son passé ? (Cf. la loi de causalité dans le bouddhisme).

Et de manière sous-jacente : qu'est ce qui fait notre identité, vous savez ce terme que les politiques conjuguent en l'affublant d'un adjectif : « identité nationale ». On a déjà du mal à se trouver une identité au niveau familial, en se dépêtrant au mieux de l'héritage parental, de l'éducation, il faut maintenant qu'elle soit nationale… on peut lire cette phrase forte : « Il y a quelque chose de très malsain qui est en train de se produire dans notre société, tout est vu à travers le prisme identitaire. On est assigné à ses origines quoi qu'on fasse. Essaye de sortir de ce schéma-là et on dira de toi que tu renies ce que tu es ; assume-le et on te reprochera ta grégarité. »

Karine Tuil nous dresse, au passage, un tableau de la société actuelle et elle a su créer des personnages attachants pour l'illustrer cette société, lui donner vie. Elle a pris soin de se documenter, car les scenarii de vie sont vraiment captivants. 525 pages que j'ai lues de façon addictive, tant l'écriture est rythmée, le style percutant. C'est le livre que je préfère de cette rentrée mais je n'en ai pas lu beaucoup, car depuis deux ans, les livres de la rentrée littéraires me tentent…

Note : 9/10

« les matches de la rentrée littéraire » sur PriceMinister :mot-clé #MRL16
Lien : http://eveyeshe.canalblog.co..
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Un livre, au format poche, qui détonne sur les présentoirs : pas de rose bonbon pour un titre qui pourtant, promet de l'insouciance. Alors on s'approche et on voit une grenade blanche (tiens !) en forme de coeur (tiens, tiens !) et sur un fond rouge sang. Tiens, tiens, tiens, le livre est dans mes mains !

Il y a donc beaucoup de promesses sur cette couverture, difficile à tenir. D'ailleurs les premières pages m'ont un peu agacée : un niveau de langue très fouillé, accessible mais au-dessus de la moyenne, et puis surtout quatre personnages principaux que l'on suit pas à pas dans leurs vies respectives. Et là je me suis demandé, mais où veut-elle en venir ? la vie c'est très bien, je la connais un peu tout de même, et rien de ce qu'elle décrit ne me surprend vraiment.

Et puis, et puis… ces quatre là, Romain, Osman, Marion et François, ils ne sont pas si inintéressants que cela finalement, au contraire même.
Ce sont des insouciants, ils ont leurs problèmes, se sont parfois battus pour s'en sortir, mais la vie leur sourit, ils prennent tout pour acquis.
Pourtant, parfois tout bascule, il suffit d'un rien, un mot de trop, une photo, l'amour.
Et alors on se passionne pour ce ballet de personnages imparfaits mais humains. Plutôt privilégiés jusqu'à ce que l'épreuve les frappe, ils se retrouvent démunis, étrangers à leur propre vie, stupéfaits par sa violence, loin des promesses de bonheur, où es tu, insouciance ?

Avec eux, c'est notre époque qu'on voit défiler : le pouvoir et son magnétisme, l'argent que l'on vénère, la guerre partout, le sentiment d'abandon dans les cités, l'extrémisme, le racisme, l'antisémitisme, les résidus de colonialisme, toute cette ignorance crasse et ce mépris de classe, de caste, qui gangrène nos vies.
Peut-être rien de nouveau sous le soleil mais ça fait pourtant du bien de le lire, surtout quand c'est aussi bien écrit, sans fards, sans hypocrisie.

Et l'amour dans tout ça ? Et oui cette grenade, elle est bien en forme de coeur, je n'ai pas rêvé. Hélas, il n'échappe pas à l'épreuve du réel, et c'est celui que l'on croise chaque jour, l'amour raison, l'amour ambition, l'amour sexe, l'amour confort, l'amour passion.

De la grenade ou du coeur, qui aura le dernier mot, c'est la vie qui décide, mais le sang ne s'efface jamais tout à fait, et s'il faut vivre, ou survivre, c'est en en gardant les traces indélébiles, celles qui effacent à jamais les derniers reliquats de l'enfance.
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" Tu ne montreras pas tes failles
Tu seras irréprochable
Tu revendiqueras un désir de normalité
Tout en étant exceptionnel ...."

Tout a été dit déjà et pourtant .....
L'auteur dresse un tableau éclairant et riche, puissant de la violence du 21éme siècle à travers quatre portraits fouillés qui embrassent avec habileté , véracité et authenticité les mille et une facettes du pouvoir politique, économique et social du monde contemporain ...
Une sorte de politique fiction bien orchestrée, parfaitement documentée de vies mouvementées :
Romain Roller tout d'abord, lieutenant revenu , ravagé, dévasté d'Afganistan oú il a perdu plusieurs hommes, Marion Decker , journaliste dont il tombe amoureux lors du séjour de décompression à Chypre, mariée à François Vely , entrepreneur puissant , Franco - Américain,un homme influent , et Osmane Diboula fils d'immigrés ivoiriens ancien animateur social, devenu une personnalité politique montante ....
Les personnages attachants, forts seront entraînés dans une spirale brutale qui les obligera à sortir d'eux - mêmes ...
Le coeur de cette fiction est le drame des origines et la question d'identité, le mépris social,et le déterminisme .
Est - on assigné à ses origines quoi que l'on fasse ? Peut - on échapper aux codes sociaux ?

L'auteur mène de main de maître ce récit addictif où les questions identitaires , les castes, les clans , les identités mortiféres se croisent.
Elle disséque au scalpel la psychologie des personnages, donne vie avec force à leurs failles , leurs fissures, les non dits, les états d'âme, les pulsions, les ascensions irrésistibles et les chutes, le mépris de classe, la honte des origines ....la force de l'amour et de la haine ....

Les chemins se croiseront sur fond de guerre, de racisme exacerbé, de terrorisme , de masque social .....d'esquive et de détachement , de fantasmes et de promesses non tenues ....

La plume est superbe, ingénieuse, vive, percutante , tissée de références jutes , un tableau lucide où la puissance des médias côtoie le sentiment d'appartenance ou non.... l'hypocrisie de la société , la religion et le pouvoir, les parcours de vies tumultueux ---- les élites.... les puissants ? et les autres---le monde des invisibles.---- l'interrogation et la radiographie tout au long de l'ouvrage de ce fameux "Vivre Ensemble .".....mais à quel prix?
On vibre, on se révolte, on ne lâche pas cet ouvrage complexe, explosif, actuel qui nous happe jusqu'à la dernière ligne .
J'avais beaucoup aimé " L'invention de nos vies " .


Mais ce n'est que mon avis bien sûr....
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C'est le deuxième roman de Karine Tuil que je lis et j'en ressors, encore une fois, époustouflée par son sens aigu de la psychologie et par sa façon très juste de prendre le pouls de la société.

La société ? D'abord les privilégiés, ceux qui officient entre eux, qui habitent dans des appartements de très haut standing, qui ne savent pas ce que c'est de prendre le métro : « Tu vis dans ton monde, un monde qui se limite à quelques rues dans trois arrondissements parisiens ou artères new-yorkaises, et c'est pourquoi tu n'as toujours pas compris que tu pouvais blesser des gens »
François Vély (dont le grand-père a changé « Lévy » en « Vély » pour ne plus être stigmatisé), un grand patron, baigne dans ce milieu. Il a rendu plusieurs femmes malheureuses et ne s'en soucie guère, ou du moins ne veut-il pas se l'avouer.

Et puis il y a ceux qui font partie des privilégiés tout simplement parce qu'ils côtoient les hommes politiques les plus influents – nous parlons ici du Président - . Osman et sa compagne en font partie, alors qu'Osman vient de Clichy-sous-bois, pas spécialement un quartier huppé, n'est-ce pas !
Mais il est le conseiller du président.

Et enfin il y a les durs, les forts, les héros, les militaires, dont Romain Roller, qui revient d'Afghanistan et des combats inhumains pour « le saut dans le vide, se familiariser avec les insomnies, l'ennui, la grande angoisse de l'inactivité ».

N'oublions pas la jeune, belle, vibrante journaliste-écrivaine : Marion, qui s'est construite à force de volonté et de pensée libre.

Ces quelques personnes vont être dévastées par des annonces, par des rejets, des stigmatisations. La plume de Karin Tuil s'en donne à coeur joie pour décortiquer leurs sentiments : effroi, humiliation, impuissance, tout y passe de façon magistrale. « Les blessures d'humiliation sont les pires. Pourtant, on n'en meurt pas ».
Nos personnages se rencontreront, se lieront, se repousseront, se jalouseront en une partition impitoyable et juste, qui reflète bien la vie telle qu'elle est chez ces gens-là. Et si la société s'en mêle, avec ses fameux réseaux, ses photos copiées, ses éructations violentes, c'est le carnage.

Magnifique ! Leçon de vie, et quelles vies ! Clivages, racisme, sensation d'être une victime…
Noirs, Blancs, Juifs, Musulmans, intellectuels, riches, pauvres, beaux quartiers contre banlieues et cités…quelles vies, quelle compétition perpétuelle, quelle jalousie, quel paternalisme, quel dégoût, quel mépris !
« Tu t'es retrouvé au coeur d'une rivalité malsaine que j'appelle la compétition des peines »

Je terminerai par une phrase qui, pour moi, résume tout le propos de ce roman :
« Il y a quelque chose de très malsain qui est en train de se produire dans notre société, tout est vu à travers le prisme identitaire. On est assigné à ses origines quoi qu'on fasse. Essaie de sortir de ce schéma-là et on dira de toi que tu renies ce que tu es ; assume-le et on te reprochera ta grégarité ».

Karine Tuil, au coeur de l'Homme, au coeur de la Société. J'adore !
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Livre reçu dans une opération masse critique , je remercie donc Babelio ainsi que les editions Gallimard .
Quand ai - je pensé ?
Difficile à dire , j'ai trouvé le livre indigeste , excessif , j'ai vu et essayé de trouver à qui correspondaient les personnages dans le monde politique , un roman à tiroirs me semble - t - il .
A lire les autres critiques , je me rends compte que je suis la seule à avoir pensé à ça et je ne vais donc pas jouer le jeu des devinettes , même si le personnage d'Osman m'a fait penser à un personnage public bien connu en politique française .
Mais pourquoi n'ai - je pas apprécié le roman ?
Justement je pense parce que l'auteur n'est pas claire , où il s'agit de fiction pure et là il y a trop de détails qui font penser que ça n'est pas une où il s'agit de personnages réels et l'auteur n'a pas osé choisir son camp .
C'est un sujet à la mode , le racisme , l'identité mais il me semble que l'auteur a raté son livre , trop c'est trop , trop de haine , trop de clichés sur les noirs , les juifs , les musulmans , les banlieues , les guerres en Irak , en Afganistan .
Quel destin ce François Vely , décidément rien ne lui sera épargné , oui en lisant une autre critique , il y a du roman américain là dedans , on dirait du Douglas Kennedy plus mordant , plus politique , la chute puis enfin le calme , la paix qui revient mais à un autre degré , ici , on est dans le sombre .Il n'y a d'ailleurs que le titre qui est léger , enfin malgré tout j'ai bien aimé le titre qui nous induit en erreur , ce n'est pas du tout un roman sur l'insouciance , ni sur les illusions perdues , non ici , on est dans le lourd , sans concession , je sais que dans le monde politique , il n'y a pas que des bisounours mais tout de même , quelle noirceur .
Il manque un peu de nuances à mon goût , attention , le but de ma critique n'est pas de descendre en flamme ce roman , non j'aime beaucoup l'auteur Karine Tuil , et son écriture est très belle , je suis contente que son roman trouve son public , elle le mérite mais je voulais être honnête en écrivant ma critique , pour moi , c'est un rendez - vous manqué .
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Le 7 janvier 2015, je suis frappé par un entrefilet publié dans un quotidien. Dans ces quelques lignes, Karine Tuil fait un voeu pieux pour la nouvelle année, celui de voir les Hommes s'élever vers un idéal fraternel. Convaincu, je partage le texte sur les réseaux sociaux. Deux heures plus tard, deux hommes armés pénètrent dans les locaux de Charlie Hebdo. La suite, vous la connaissez. L'idéal fraternel s'est pris du plomb dans l'aile et la France se retrouve démunie face à l'émergence d'une violence incontrôlable.
«L'insouciance » reprend les controverses qui divisent la société française. Le roman se déroule au début des années 2010. L' angoisse sécuritaire et l'obsession identitaire prennent de l'ampleur, excitées par un Président et son conseiller de l'ombre. Les conflits du Moyen-Orient réveillent les vieilles haines ; il y avait des classes, il y a désormais des communautés. Comme l'écrit l'auteure, « tout est vu à travers le prisme identitaire. On est assigné à ses origines quoi qu'on fasse. »
Karine Tuil parle aussi des relations amoureuses, de la guerre et de la politique. Elle enchevêtre les destinées de quatre personnages qui finiront par se réunir au cœur du chaos : un officier traumatisé par sa mission en Afghanistan, un grand patron, une journaliste et un militant associatif plongé au cœur du pouvoir. Karine Tuil raconte la fragilité de ces êtres confrontés de plein fouet aux violence de toutes formes : médiatiques, économiques, politiques, et terroristes. Sur le front, dans les affaires, à la tête d'un Ministère ou dans le cœur de son amant, l'être humain reste vulnérable.
En débutant l'écriture de ce roman, Karine Tuil souhaitait raconter notre société. A mes yeux, c'est une réussite. Si le livre est dense, c'est parce qu'il aborde de nombreuses problématiques qui déchirent notre pays. C'est un roman contemporain qui nous aide à mieux comprendre les événements récents. Le livre m'a fait penser à "Dawa" de Julien Suaudeau qui partageait la même ambition. Au final, Karine Tuil nous laisse peu de raisons d'espérer. Les violences ont chassé l'insouciance. Bon moi, de mon côté, je garde mon idéal fraternel au chaud, quelque part entre mon cœur et ma tête.
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