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Critique de thedoc


thedoc
14 septembre 2016
Ils sont quatre, trois hommes et une femme, dont les destins vont se croiser et se mêler dans une fresque violente et chaotique, terriblement réaliste.

Romain Roller, soldat appartenant au corps des chasseurs alpins et traumatisé par une mission en Afghanistan, noue une liaison avec Marion Decker, journaliste et romancière, lors de son séjour de décompression en Grèce. Mais la jeune femme est mariée à l'un des entrepreneurs franco-américains les plus puissants de France, François Vély. de retour en France, les amants poursuivent leur passion amoureuse. Romain retrouve également Osman Diboula, ancien éducateur social devenu une figure montante à l'Elysée suite à son intervention comme médiateur lors des émeutes de 2005 dans les cités. Ces quatre personnes vont se retrouver au coeur d'un scandale qui, dans un effet domino, va faire voler en éclats tous leurs repères sociaux, moraux et politiques.

C'est un récit glaçant et passionnant que nous offre Karine Tuil avec « L'insouciance ». Ses personnages principaux évoluent dans un monde contemporain impitoyable, dans une société où les clivages sociaux, religieux et raciaux perdurent, où la loi du plus fort et du plus influent s'impose aux plus faibles. A cela s'ajoute une donnée implacable et ineffaçable, que même le plus puissant ne peut faire disparaître : les origines identitaires. Car malgré l'ascension sociale, intellectuelle, financière ou politique, c'est bien à ce niveau que se joue la destinée de chacun : le diktat identitaire qui ramène chacun là d'où il vient.
François Vély, fils d'un ancien résistant juif, est rattrapé malgré lui par une judéité qu'il n'a jamais reconnue. Osman, fils d'immigrés ivoiriens et enfant des cités, est accueilli dans le cercle intime du Président non pas pour ce qu'il est mais plutôt pour l'image qu'il renvoie, un fils d'immigrés intégré et « assimilé ». Romain Roller, qui avait trouvé sa voie dans l'armée, s'interroge sur la nécessité et la légitimité des guerres face aux pertes humaines. Quant à Marion, marquée par un drame et qui a connu une enfance chaotique placée sous le signe de l'engagement gauchiste de sa mère, elle peine à trouver sa place parmi les nantis.

Autour d'eux, le décor est planté et sa description sous la plume de l'auteur est fascinante : nous voici au plus près de l'exercice du pouvoir, déambulant parmi les puissants et découvrant les règles qui codifient leurs relations. Forcément, le Président, ses conseillers et ses ministres nous font penser à des personnes bien réelles… Dans ce monde clanique où aux privilèges succèdent les bannissements, tout n'est qu'un jeu de paraître où la puissance des médias tient les rênes.
Racisme, antisémitisme, terrorisme, clivages sociaux, jeux de pouvoir, histoire d'amour, pouvoir des médias, question identitaire… le mélange des thèmes est détonnant et maîtrisé à la perfection. Et l'insouciance dans tout cela ? Elle s'est envolée depuis longtemps...

Je découvre Karine Tuil avec ce roman. Indéniablement, elle se place parmi les grands auteurs. Narration puissante et accrocheuse, intensité permanente de l'intrigue, style très riche, analyse parfaite et très documentée de la société du XXIe siècle, personnages à la psychologie travaillée au scalpel, l'auteur nous offre ici un roman époustouflant. Bravo.
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