Citations sur Le Serment (30)
« - On va prêter serment, dit le costaud. Comme ça, on sera obligé de le faire. - On va jurer sur quoi? - Sur le X. » Ils se prennent les poignets en croisant les mains et se regardent dans les yeux. Le costaud commence: « Je promets et je jure que quoi qu’il arrive, qu’il y ait la guerre ou la peste, nous déterrerons ensemble dans vingt-sept ans ce que nous avons caché aujourd’hui. » Le maigrichon continue: « Je promets et je jure que je ne révèlerai jamais à personne l’emplacement du trésor. Et même si l’un de nous meure, l’autre viendra le déterrer seul. » Dans la forêt flotte une fraîche odeur d’après pluie, mélange de résine, d’aiguilles de pin et d’humus. Le soleil perce à travers les troncs et éclaire le visage des garçons. Ils restent un moment silencieux se tenant toujours les mains, écoutent le vent qui fait ployer la cime des pins et cherchent à donner de la solennité à l’instant.
La voiture accéléra, soulevant des gerbes d’eau. Paloviita resta à la fenêtre jusqu’à ce que les feux arrière rouges aient disparu au bout de la rue. Puis il prit un post-it sur la desserte, y nota au stylo à bille le numéro d’immatriculation de la BMW et le rangea dans la poche de son jean. Le vent faisait claquer les boîtes aux lettres bordant la voie comme des becs d’oisillons.
L’agent pointa de son stylo une femme assise dans un fauteuil dont il était difficile, au vu de son physique ravagé, de deviner l’âge. Elle avait au moins cinquante ans, mais portait, comme si elle en avait vingt, une jupe courte, un collant résille et des talons aiguilles. Ses seins débordaient de son décolleté, et elle était maquillée aux couleurs de l’arc-en-ciel. Ses paupières lourdes étaient mi-closes.
Un crime avait été commis, le suspect avait disparu, il était peut-être armé et dangereux, et la responsabilité de l’enquête lui incombait. L’affaire semblait simple, un coup de couteau dans un lieu privé et dans des brumes d’alcool, mais la situation pouvait basculer à tout moment. Il se pouvait que l’on doive cerner le suspect, ou faire usage de la force.
Sur le cliché, tous riaient, mais il se rappelait à quel point il avait été difficile à prendre. Cette photo était un mensonge, songea-t-il, comme presque toutes les photos du monde. Ils riaient parce que les gens étaient supposés rire face à la caméra. Les albums étaient des collections de sourires menteurs.
[...] On va se le promettre, et on ne doit jamais trahir ses promesses.
[...] Rouvrir de vieilles tombes n’était pas facile. Il y avait des choses qu’il valait mieux laisser enterrées.
[...] Le jour viendrait-il jamais où le sujet serait abordé ? Sans doute pas. Il y avait dans le monde des choses si dures que même la dent du temps ne pouvait les entamer. Des choses auxquelles il valait mieux ne pas toucher.
[...] Le meurtre avait été précédé d’une longue beuverie à laquelle avait participé une bande de fêtards hétéroclite. Beaucoup d’allées et venues, de l’alcool et de la drogue.
[...] Il s’agissait d’un crime finlandais classique.
Si des choses devaient disparaître, autant que ce soit complètement. Chacun pouvait alors s'en faire ses propres souvenirs. Les napper de teintes et de couleurs qu'elles n'avaient jamais eu dans la réalité. Car les souvenirs n'étaient rien d'autre que des mensonges semblables aux sourires des photos. Des reflets de choses qui n'étaient pas réelles.
Mais toi tu l'étais.
Il s’agissait d’un autre crime, datant de près d’un an. Un homme avait étranglé sa petite amie avec la ceinture de son peignoir et tenté de dissoudre le corps dans sa baignoire en versant dessus cent litres de déboucheur Mr Muscle qu’il avait acheté par cartons entiers, vidant les rayons des supérettes du quartier. Mais il n’avait bien sûr pas réussi. La soude avait percé les canalisations de l’immeuble et coulé dans l’appartement du dessous. Son propriétaire avait appelé le gérant, qui avait trouvé la femme, ou du moins ce qu’il en restait, dans la baignoire.
Dans son rêve, il entendit une fille hurler, d’un cri effrayant, horrible, qui pénétra dans sa conscience à travers les plis du temps. Il se réveilla soudain. Sa peau était moite de sueur, les poils de ses bras hérissés.Sara criait dans son sommeil, mais se tut rapidement. La pluie frappait le rebord métallique de la fenêtre. Paloviita tendit l’oreille, au cas où sa fille se remettrait à pleurer, mais la maison resta silencieuse.