Au bonheur des lettres, Tome 2

À l'heure, si sombre encore, de la civilisation où nous sommes, le misérable s'appelle l'homme ; il agonise sous tous les climats, et il gémit dans toutes les langues.

[Extrait de lettre de Victor Hugo à M. Daelli, 1862]

Au moment où on quitte un milieu confortable pour pénétrer dans l'"inconnu", on réalise toujours à quel point c'était agréable, joli et commode. Pourtant, le simple fait d'aborder l'avenir et d'accepter des défis neufs, plus difficiles au fil du temps, nous permet de mûrir, de nous développer, d'éviter la stagnation.

[Extrait de lettre de Bud Wilkinson à son fils, Jay]

Ce que j'ai éprouvé [en entendant votre musique] est indescriptible, et si vous daignez ne pas rire, j'essaierai de vous le traduire. D'abord il m'a semblé que je connaissais cette musique, et plus tard, en y réfléchissant, j'ai compris d'où venait ce mirage ; il me semblait que cette musique était la mienne, et je la reconnaissais comme tout homme reconnaît les choses qu'il est destiné à aimer.

[Extrait de lettre de Charles Baudelaire à Richard Wagner, 1860]

Deux âmes aux lèvres closes ont-elles déjà été liées de façon plus incongrue ! Nous pouvons sentir ensemble - c'est certain, une fois sur dix - et quand nous ne sentons pas ensemble, nous comprenons quand même ; et pourtant nous n'avons pas de langue commune. Les mots parlés ne nous viennent pas. Nous sommes inintelligibles.

[Extrait de lettre de Jack London à Anna Strunsky, 1901]

Rappelle-toi que la plupart des gens rient des choses inhabituelles, qu'elles soient ou non belles ou délicates. Toi, en revanche, tu ne dois pas rire de toi. Tu dois savoir que le brun est aussi joli que le blanc, voire plus joli, tout comme les cheveux froissés sont aussi jolis que les raides, même s'ils sont plus difficiles à coiffer. Le plus important c'est ce que tu es TOI sous les habits et la peau - la capacité d'agir, la volonté de conquérir, la détermination à comprendre et à connaître ce fantastique, merveilleux et étrange monde.

[Extrait de lettre de W. E. B. Du Bois à sa fille Yolande, 1914]

Maudit soit "L'Amour" et qu'il aille au diable. Il cause toujours beaucoup plus de ravages qu'il n'en vaut la peine. Ne cours pas après. Ne le flatte pas. Laisse-le attendre en coulisse jusqu'à ce que tu sois prête pour lui, et même alors, traite-le avec le dédain méfiant qu'il mérite...

[Extrait de lettre de Noël Coward à Marlène Dietrich, 1956]

C'est vrai, nous parvenons souvent à la compréhension, mais de façon vaguement claire, par de faibles perceptions, comme les fantômes qui, alors que nous doutons, nous hantent de leur vérité.

[Extrait de lettre de Jack London à Anna Strunsky, 1901]

Votre père a été un homme qui agissait en vertu de ce en quoi il croyait, et qui a incontestablement été fidèle à ses convictions.
En grandissant, devenez de bons révolutionnaires. Étudiez dur si vous voulez maîtriser les technologies, ce qui vous permettra de maîtriser la nature. Rappelez-vous que ce qui compte, c'est la révolution, et que seul, on est impuissant.
Surtout, soyez toujours capable de ressentir profondément n'importe quelle injustice commise contre quelqu'un, où que ce soit dans le monde. C'est la plus belle des qualités chez un révolutionnaire.

[Extrait de lettre de Che Guevara à ses enfants, vers 1965]

Ne reste pas transparent à tes propres yeux - c'est une trop triste façon d'être. Apprends à connaître ta place au sein du monde et à t'évaluer avec équité, et non dans les termes naïfs des idéaux de ta jeunesse, ou dans les termes factices que tu as prêtés aux idéaux de ton professeur.

[Extrait de lettre de Richard Feynman à son ancien élève Koichi Mano]

Ai-je dit que les humains pouvaient être classés par catégories ? Bon, si je l'ai dit, laisse-moi préciser - pas tous les humains. Tu m'échappes. Je ne peux pas te situer, te saisir. De neuf sur dix, fanfaronnerais-je en certaines circonstances, je peux prévoir ce qu'ils vont faire ; de neuf sur dix, par leurs discours ou leurs gestes, je peux sentir la pulsation de leur cœur. Mais du dixième je désespère. Il est plus fort que moi. Tu es ce dixième.

[Extrait de lettre de Jack London à Anna Strunsky, 1901]