- Nous sommes des sans -castes et les Médecins refusent de nous soigner si nous sommes malades, sauf quelques-uns d'entre eux. Nous sommes des sans-castes et les Transporteurs refusent de nous laisser accéder aux mêmes trains et aux mêmes bus que les castes réglementées. Nous sommes des sans-castes et les Musiciens ne viennent jamais jouer pour nous. Nous sommes des sans-castes et nous n'avons pas le droit de participer aux fêtes. Pourquoi, maman ? D'où viennent les sans-castes ? Pourquoi ceux des autres castes nous détestent-ils ? (p.35)
- Ce qui est sûr, c'est que les conducteurs des peuples d'autrefois ont agi pour préserver quelque chose de supérieur à la vie humaine. Ils ont agi pour dresser leur éternité.
La vie des cités, à Al Jhamat, s'est organisée autour des castes. Mais quatre castes ont nourri la certitude qu'elles étaient supérieures, car plus indispensables que les autres à la survie d'Al Jhamat. Progressivement, elles se sont approprié tous les pouvoirs et ont concentré l'Autorité. Les Anges, les Architectes, les Juges, les Gardiens. Devenues des Hautes Castes endogames, elles se sont cloisonnées et repliées sur elles-mêmes pour conserver leurs pouvoirs. Les Anges, parce qu'ils édictaient les lois qui constituaient le socle d'Al Jhamat. Les Architectes, parce qu'ils détenaient le don de faire jaillir de terre ce qui faisait la raison d'être d'Al Jhamat. Les Juges, parce que leurs décisions maintenait le système des castes. Et les Gardiens...
- Les Gardiens ? interrogea un homme à la peau plissée comme une vieille pomme.
- De toute éternité, les Gardiens gardent tout ce qui doit être gardé à Al Jhamat. Y compris les secrets. (p.293)
- Rien n'empêchera qu'à la fin de l'année scolaire, en décembre, tu sois officiellement intégrée dans la Haute Caste des Architectes.
Il sourit :
- On percera ton oreille gauche pour y mettre un anneau d'or. Et tu choisiras une spécialité pour ton cycle supérieur. (p.275)
- Je ne suis pas un Espion, si c'est ce que tu penses. Je sais juste, comme toi tu le sais sans te l'avouer, que toute l'organisation d'Al Jhamat repose sur le mensonge et l'injustice. Moi je me contente pas de le savoir : je le dis, quel que soit le risque pour moi.
- Vous attendez quoi ?
- J'attends d'avoir con vaincu suffisamment de gens partout où je passe pour mettre fin, un jour prochain, à cette organisation. Pour que tous les habitants d'Al Jhamat aient les mêmes droits et les mêmes choix. Et pour qu'on cesse de saccager le passé. (p.209)
Ces étranges cylindres de métal étaient appelés "capsules d'éternité". Une capsule d'éternité, c'était cette trace, ce souvenir, qu'un ouvrier plus hardi que les autres, ou tourmenté par ses doutes, glissait entre les pierres, au coeur du matériau, au moment d'une Édification. Tout monument d'Al Jhamat ayant vocation à être effacé, l'ouvrier téméraire espérait qu'un jour lointain, le dessin sur lequel il avait reproduit le monument, assorti de quelques commentaires, d'une date, d'une pensée, soit extrait de sa capsule par quelque déviant, et que grâce à sa pauvre tentative, une image de l'oeuvre parviendrait aux générations futures. (p.207)
La vérité lui apparut soudain : devenir une pièce de ce système pourri pour mieux le détruire. D'approprier le pouvoir des Hautes Castes pour mieux les écraser. Copier leurs manières et leurs habitudes. Devenir la meilleure d'entre eux, la plus brillante et la plus forte, hurler avec les puissants pour prendre la tête de leur meute et les jeter à terre. (p.155)
Elle savait depuis toujours, car sa mère le lui avait patiemment expliqué, que les habitants d'Al Jhamat se répartissaient en seize castes : quatre Hautes Castes et douze basses castes. Et que les castes étaient l'élément incontournable, le fondement, la colonne vertébrale d'Al Jhamat. Loin derrière, se traînaient les sans -castes. Ils n'avaient aucun droit, sinon celui de travailler aux tâches les plus dures, les plus basses et les plus salissantes, qui ne relevaient d'aucune des seize castes réglementées, parce que leurs membres refusaient de les accomplir. (p.33)