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Critique de AlbertYakou


Roger Vailland appartient à cette génération d'écrivain d'après-guerre qui se sont inscrits dans un mouvement où les romans se devaient d'être à la fois engagés et édifiants. Membre un temps du PCF, le parti de gauche le plus puissant de l'époque, il porte au premier plan des personnages de milieux populaires, ouvriers et ouvrières d'usine, et les montrent face à la domination et l'exploitation, prisonniers d'une lutte de classe dont ils sont les grands perdants. Des romans réalistes, donc, qui sont parents du cinéma néoréaliste de l'époque, comme l'émouvant « le voleur de bicyclette » du cinéaste italien Vittorio de Sica.

C'est là que le ressort romanesque peut devenir limité, car le scénario est toujours celui d'un échec, l'ouvrier ou l'ouvrière finissant écrasé(e) ou broyé(e) par la machine du grand capital. En l'occurrence, dans ce roman, le héros est broyé au sens littéral. Et c'est bien le problème. Dès que ce personnage central nous dévoile la manière individuelle dont il espère échapper à sa misère, à son déterminisme social, on comprend de suite comment cela va se terminer. Mais il faut lire tout de même l'entièreté du roman pour que ça se termine effectivement comme on avait compris que ça se terminerait. L'absence de surprise est aussi désespérante que la triste fin du roman.

Le côté édifiant : ce n'est pas seul que l'ouvrier s'en sortira ; la solution individualiste est un leurre ; il faut une solution collective passant par la lutte politique. Ce n'est heureusement pas écrit noir sur blanc, mais c'est bien cela qu'il faut comprendre.

Au final, ce roman vaut plus pour la description précise et souvent technique de la condition ouvrière de l'époque, y compris le rapport complexe de l'homme à la machine. En deçà de l'aspect romanesque, trop balisé avec sa chute entendue, on peut le lire comme un documentaire sur la vie des ouvriers au sortir de la guerre. A ce titre, il présente quelques intérêts.

Il y a parfois au détour d'une page des phases surprenantes.

Ainsi celle-ci, que ne renieraient pas les féministes les plus radicales de notre époque, quand un des personnages masculins déclare à sa compagne :

« Tout homme est coupable à l'égard de toutes les femmes »

Ou encore, autre incise bien différente, qui m'a fait glousser tout seul dans mon coin :

« Elle a les cuisses longues, mais pas de cette longueur à chaque pas émouvante comme le premier tour de bielle d'une locomotive de grand parcours ».
Une variante littéraire du « tu es belle comme un camion » en quelque sorte.

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