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Citations sur Le prénom de mon oncle (28)

Le silence qui entoure le cousin à la bombe m’inquiète. Les traces argentées que j’ai vu scintiller au soleil ces dernières semaines m’avaient donné le sentiment de jouir d’une vue d’ensemble. Lentement mais sûrement, des détails apparaissaient sur le blanc de la carte. Maintenant, la vacuité du paysage recommence à hanter mes pensées. D. dit que je ferais mieux de me concentrer sur la vie à naître que sur celle d’un mort. Mais je crois que je suis devenue incapable de les considérer isolément l’une de l’autre.

Mes recherches commencent à le fatiguer. On finit par se chamailler, et on en revient toujours au même point, D. dit que ce n’est qu’un nom, à quoi je réponds qu’un nom est toujours plus qu’un nom. La façon dont on appelle quelqu’un est un rappel, le premier et le plus important qu’on ne reçoive jamais.

Ce n’est qu’un mot, assène D.

C’est un repère.

Cela ne dit rien de la personne qu’il va devenir, réplique-t-il.

Cela dit tout de la personne que je veux qu’il devienne.

On joue ainsi au ping-pong, jusqu’au moment où D. lève les bras au ciel, comme s’il appelait à la rescousse une aide supérieure, et abandonne la partie en secouant la tête. Ce n’est pas qu’il me donne raison, mais il a lu quelque part ça ne sert à rien de discuter avec une femme enceinte.
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Herman lève les yeux de son livre et me demande ce que je veux boire.
— Un double cappuccino, s’il vous plaît.
— Ça s’appelle un doppio, dit le serveur, si près de nous qu’il entend tout.
Herman se dirige à pas posés vers le bar.
— Un doppio et un café, s’il vous plaît.
— Un café comment ?
— Un café normal.
— Un americano ?
— Mon café habituel.
— Un americano.
Herman se retourne vers moi et me sourit discrètement, comme pour s’excuser que ce type soit aussi stupide.
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J’ai toujours pensé que la grossesse rapprochait l’homme et la femme. Ce cliché est omniprésent : sur les sites de naissance, dans les journaux féminins, dans les brochures qu’on trouve chez la sage-femme, et sur la cheminée des jeunes parents, on voit une photo montrant le futur père, derrière sa compagne, qui pose tendrement les mains sur son gros ventre. Cette image est censée illustrer le lien qui unit les deux futurs parents. Maintenant seulement j’en comprends la vraie signification : l’homme se cache, et il s’accroche à ce gros ballon de chair parce que lui-même a les mains vides. Hormis les moments où il peut partager un tout petit bout de l’expérience de la grossesse – à l’échographie, aux premiers mouvements du bébé visibles sous la peau –, il n’a aucune prise sur ce qui se passe. La grossesse tout entière instaure un processus de distanciation à vitesse grand V. Un des deux membres du couple prend des allures de baleine, devient d’une faiblesse affligeante, se met à pleurer pour un oui ou un non, se dédouble, doit constamment faire face à un scénario de science-fiction, devant assumer la présence en son sein d’un étranger qui grandit en elle. Et l’autre, pendant ce temps-là, eh bien, l’autre demeure pareil à lui-même.
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Je songe à ce que m'a dit un jour un ami historien : de tous les documents produits au cours de l'histoire, moins de 0,001% sont conservés. Deux choses ne se trouvent pas dans les documents historiques : ce qu'à l'époque on considérait comme su et ce que personne ne voulait avoir en sa possession.
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C'est peut-être plus logique de baptiser les êtres d'après un lieu que d'après une personne. Les lieux vous donnent de l'espace, tandis que les gens, eux, ont déjà pris toute la place disponible et vous étouffent avec leur histoire et leurs échecs.
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Pour qu'on puisse continuer à prononcer son nom, il faut que celui-ci soit inscrit dans une histoire. Un nom sans rien autour ne survit pas au temps qui passe. Il a besoin d'un contexte. D'une forme. D'une chanson avec un début, un milieu et une fin. C'est la seule protection qui vaille contre l'oubli.
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Quand je suis assis là, à la table blanche, j'essaie de penser avec les yeux de l'époque, sans le fardeau de soixante-dix ans de cours d'histoire. C'est la seule manière de l'approcher. Mais il est difficile de réaliser que l'histoire est écrite par des gens d'aujourd'hui, difficile de comprendre que ce que recouvre le mot "maintenant" a changé, difficile d'admettre que les gens qui ont vécu autrefois ont, comme nous, accumulé les tentatives, les erreurs et les décisions délicates à prendre, dont certaines ont, comme pour nous, entraîné des peines et des souffrances. Difficile enfin d'accepter l'idée que ceux qui nous ont précédés ont été confrontés au chaos et à l'incompréhensibilité du réel, exactement comme nous le sommes aujourd'hui.
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Si j’ai un conseil à te donner, c’est de tourner la page, d’oublier ces tristes individus et de continuer à Paris en étant sûr que les choses finiront par s’arranger… si elles vont aussi mal que Robson le prétend, évidemment. Une bonne nouvelle en provenance de notre trou dans l’Ohio, cependant : Robson a finalement décidé que la faculté ne porterait pas plainte, sans doute parce qu’il a compris qu’il ne gagnerait rien en continuant à s’acharner contre toi.
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Quand le sommeil ne vient pas, il n’existe qu’un seul remède : le travail. Je me suis attelé à la tâche comme un bœuf. J’ai noirci cinq feuillets avant que l’aube ne pointe. Ce n’était encore que le début de ma fresque, la page trente-cinq de ce qui devait être un très gros roman, mais mon héros, Bill, avait déjà neuf ans tandis qu’il écoutait ses parents s’entredéchirer en buvant du whisky dans leur cuisine du New Jersey.
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Au cours des dernières semaines, il m’était arrivé de verser quelques larmes. Cette fois, c’était différent : la désolation était totale, sans fin. Je pleurais sur ce que j’avais perdu, ce à quoi j’en étais réduit. Pendant un quart d’heure, au moins, je n’ai pas pu arrêter le déluge. Je me suis effondré sur le lit, cramponné à l’oreiller, et j’ai laissé toute la peine accumulée sortir de moi. Mais quand je me suis calmé enfin, je n’ai ressenti que de l’épuisement, aucun soulagement. Malgré ce que j’avais espéré, un désespoir comme celui-là ne se dissipait pas dans les pleurs et les sanglots. Je me suis forcé à retirer mes sous-vêtements et à rester sous la douche crachotante quelques minutes. Après m’être séché, je me suis enfoncé dans un sommeil artificiel.
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