On est tous des terroristes en puissance, pour eux. Surtout quand on vient de cette partie du monde. Vous savez que la police a le droit de vous arrêter n’importe où, n’importe quand, et de vous demander vos papiers ? Pas de papiers ? La taule ! Et si vous en avez, mais pas la carte de séjour, alors là, c’est la fin !
J’écris « bombe », mais dans la légende familiale, il a toujours été question d’une « petite bombe », le nazi était un « sale collabo » et le cousin à la bombe un « sacré lascar ». C’est la génération de mes grands-parents qui a maintenu cette anecdote vivante, la racontant à qui voulait l’entendre. « C’est l’histoire d’un sacré lascar qui a surpris un sale collabo en posant chez lui une petite bombe… »Une histoire pleine de qualificatifs à laquelle ma grand-mère ajoutait toujours ce proverbe : « Qui sème le vent récolte la tempête. »
J’ai besoin d’un nom qui garantisse une justesse dans les proportions. J’ai besoin d’une histoire qui comble le vide et qui donne de la couleur au blanc du néant. J’ai besoin d’un héros qui pourra servir de modèle à mon fils.
Le sens du courage et du sacrifice, ça ne peut pas faire de tort, à notre époque.
Les échographies me font penser à un paysage nocturne. D. les passe en revue. Je sais qu’il cherche celle avec les deux taches allongées (les jambes) et un petit renflement entre les deux. C’est en voyant cette image que la gynéco a crié :— C’est un garçon, à coup sûr !D. a été soulagé. L’éventualité d’une fille l’angoissait. Beaucoup trop vulnérable… Je crains exactement l’inverse. Les garçons, ai-je lu un jour, ont plus de risques de mourir jeunes, parce qu’ils se mettent plus souvent en danger – la route, l’alcool, la guerre, les feux d’artifice, les bagarres…
"Quand nous parlons du passé,nous mentons comme mentons comme nous respirons. "
William Maxwell.
Il est difficile de réaliser que l'histoire est écrite par des gens d'aujourd'hui, difficile de comprendre que ce que recouvre le mot "maintenant" a changé, difficile d'admettre que les gens qui ont vécu autrefois ont, comme nous, accumulé les tentatives, les erreurs et les décisions délicates à prendre, dont certaines ont, comme pour nous, entraîné des peines et des souffrances. Difficile enfin d'accepter l'idée que ceux qui nous ont précédés ont été confrontés au chaos et à l'incompréhensibilité du réel, exactement comme nous le sommes aujourd'hui.
Nous faisons comme si nous voulions tout apprendre et tout comprendre du passé, mais en réalité, c'est nous-mêmes que nous contemplons.