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Critique de cedratier


« Après l'amour » Agnès Vannouvong (Folio/Mercure de France, 210 pages)
Il y a d'abord, pour l'homme que je suis, le trouble de lire une histoire de « terra incognita », un monde à jamais hors de portée, celui des amours féminines, décrites sans vulgarité mais de manière très directe, sans voile pudibond, nous livrant la vérité des corps de femmes en désirs de femmes. Mais l'intérêt va bien au-delà ; la narratrice, (« Je », un double de l'auteur ? mais au fond quelle importance ?...) subit une rupture infiniment douloureuse d'avec sa compagne de 10 ans. Perdue, elle se lance dans une fuite en avant effrénée, dans la conquête des corps féminins, pour un soir, pour quelques semaines au plus. C'est d'abord un roman sur le manque, la sensation brûlante du vide de l'autre, de l'aimée, de son odeur, de sa peau, de son sexe, de son rire. C'est l'expérience de l'insupportable absence, de la douleur de la séparation, du vide absolu qu'elle tente en vain de combler n'importe comment, et en même temps sans illusion, en sachant presque d'avance que ça ne marchera pas, et donc qu'elle recommencera encore et encore. C'est au fond l'histoire de tout amour passionnel brisé, perdu, et en ce sens, c'est une histoire qui peut parler à chacun. Une désespérance plane sur le texte : la narratrice est une abandonnique, et les échos d'un père absent et d'un déracinement sont aussi là par touches successives dans le fil de la narration pour l'illustrer. Elle est angoissée à l'idée de se retrouver seule ne serait-ce que pour un repas du soir. Elle (comme nombre de ses amours passagères) vit sous la tyrannie d'un besoin absolu de l'autre, et dans le même temps dans la peur totale (et donc le refus) de l'engagement dans un lien durable, qui signerait le risque d'une nouvelle rupture dont l'expérience présente est si douloureuse et traumatique. Agnès Vannouvong démonte parfaitement les mécanismes de l'appartenance, la difficulté extrême de s'y soustraire. Elle livre aussi, ici ou là, quelques sagaces réflexions connexes, par exemple sur la manière dont certains milieux professionnels se reproduisent en vase clos au gré des arrivismes (et il y a un ou deux portraits joliment grinçants). L'écriture est vive, alerte, des phrases courtes, dans des chapitres brefs, un langage d'aujourd'hui mais qui n'a rien de trash, une langue soignée, avec parfois de belles formules percutantes.
Mon seul bémol concerne le milieu social dans lequel se déroule cette histoire : on y claque deux doigts et on prend un avion pour un week-end au Portugal, on part un mois pour une enquête à New-York, on s'offre une nuit d'amour ici ou là dans un grand palace, le champagne coule à quasiment chaque chapitre… Bref, le quotidien du lecteur lambda. Et j'ai trouvé que c'était vraiment une facilité d'écriture. Malgré cette réserve, ça reste à mes yeux un beau premier roman d'Agnès Vannouvong, qui donne envie de découvrir son second.
PS : ce roman m'en a rappelé un autre, sur le même sujet, et sans doute plus original dans sa construction, et que j'ai chroniqué ici : « Ce qui est affreux dans l'amour » de Nicole Müller, chez Actes Sud.
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