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Citations sur Vies des Artistes, Vol. 1 (13)

Il arriva que Piero Soderini ayant vu le David et le trouvant à son gré dit pourtant à Michel-Ange, qui était en train de le retoucher en certains endroits, qu'il lui paraissait que le nez était trop gros. Michel-Ange remarquant que le gonfalonier s'était placé sous le colosse, de manière qu'il n'avait pas la vue exacte, monta sur l'échafaudage pour le satisfaire, en tenant d'une main un ciseau ; de l'autre il ramassa un peu de la poussière de marbre qui était sur la plate-forme. Puis, faisant semblant de retoucher le nez , mais sans l'entamer avec le ciseau, il laissa tomber la poussière peu à peu, et, baissant la tête vers le gonfalonier qui le regardait travailler, il lui dit : " Regardez-le maintenant. - Il me plaît davantage, lui répondit le gonfalonier, vous lui avez donné la vie." Michel-Ange descendit de l'échafaudage, riant intérieurement et ayant pitié de ceux qui, pour faire gens entendus, ne savent ce qu'ils disent.
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Cette statue [représentant le pape Jules II] fut posée dans une niche, au-dessus de la porte de San Petronio. On raconte que pendant qu'il y travaillait, le Francia, orfèvre et peintre excellent, vint pour la voir, ayant entendu parler avec force éloges de Michel-Ange et de ses œuvres, et n'en ayant encore vu aucune. Grâce à des intermédiaires, il put voir celle-là, et il en resta stupéfait. Michel-Ange lui ayant demandé ce qu'il lui en semblait, le Francia répondit que c'était une figure d'une belle coulée et d'un beau métal. Il parut alors à Michel-Ange que le Francia louait plus la matière que le travail et lui dit : "J'ai la même obligation au pape Jules II qui me l'a donnée à faire que vous aux droguistes qui vous fournissent des couleurs pour peindre", et tout en colère, devant tous ses assistants, il lui dit qu'il n'était qu'un imbécile. A ce sujet, un fils du Francia étant venu le voir, quelqu'un dit à Michel-Ange que c'était un beau jeune homme, et Michel-Ange lui dit : "Ton père fait de plus belles figures en chair qu'en peinture".
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GIOVANNI CIMABUE,
PEINTRE FLORENTIN.

La malheureuse Italie avait vu disparaître, au milieu du déluge de calamités qui la bouleversa, tout ce qui pouvait porter le nom d’édifice, et même tous les hommes qui cultivaient les arts, lorsque, l’an 1240, naquit à Florence, de la noble famille des Cimabui (1), Giovanni Cimabue que Dieu destinait à remettre en lumière l’art de la peinture. En grandissant, Cimabue donna des preuves d’intelligence qui engagèrent son père à l’envoyer étudier les lettres à Santa-Maria-Novella, auprès d’un de ses parents qui enseignait la grammaire aux novices du couvent. Mais Cimabue, cédant à un penchant naturel, au lieu d’écouter les leçons, passait tout son temps à dessiner sur ses livres des hommes, des chevaux, des maisons et d’autres fantaisies. La forfortune vint d’ailleurs favoriser sa vocation. Quelques Grecs appelés à Florence par les chefs de la ville qui voulaient y faire revivre la peinture plutôt entièrement perdue qu’écartée de la bonne route, commencèrent, entre autres choses, la chapelle des Gondi, dont les voûtes et les parois sont aujourd’hui presque entièrement dégradées par le temps, comme on peut le voir à Santa-Maria-Novella (2). Entraîné par son amour pour le dessin, Cimabue s’échappait souvent de l’école et restait des journées entières à regarder travailler ces peintres qui ne tardèrent pas à le remarquer. Ils pensèrent que notre jeune élève irait loin si l’on cultivait ses dispositions. Le père de Cimabue partagea cet avis et leur confia son fils dont la joie fut grande alors. Grâce à son application et à ses qualités naturelles, il surpassa bientôt, dans le dessin et le coloris, ses maîtres qui, se souciant peu de sortir de leur ornière, se contentaient de produire des ouvrages dans ce style barbare qui caractérise cette époque, et qui est si différent de la bonne et antique manière grecque. Cimabue, tout en imitant d’abord ces Grecs, perfectionna leur art et franchit les grossières limites de leur école. Peu de temps après, son nom et ses ouvrages faisaient la gloire de sa patrie. Tout le monde admirait le devant de l’autel de Santa-Cecilia, et cette Madone qui ornait et orne encore un pilastre du chœur de Santa-Croce (3). Il peignit ensuite, d’après nature, sur un fond d’or, un saint François qu’il entoura de vingt-quatre petits tableaux renfermant l’histoire de la vie du saint. Après avoir achevé ce travail, il entreprit pour les moines de Vallombrosa, dans l’abbaye de la Santa-Trinità de Florence, un grand tableau où il ne négligea aucun effort pour justifier la haute opinion qu’on avait conçue de lui. Il y représenta sur un fond d’or des anges en adoration devant l’Enfant Jésus soutenu par la Vierge. Ce tableau fut placé par les moines sur le maître-autel de leur église. Plus tard il céda la place à une peinture d’Alesso Baldovinetti (4), et fut relégué dans une petite chapelle de la nef gauche. Cimabue peignit ensuite à fresque l’Annonciation de la Vierge, et Jésus-Christ avec Cléophas et Luc, sur la façade principale de l’hôpital del Porcellana situé au coin de la Via-Nuova qui conduit au bourg d’Ognissanti (5). Dans ces compositions, dont les personnages sont grands comme nature, il s’affranchit du joug de la vieille manière, et traita ses figures et ses draperies avec un peu plus de vivacité, de naturel et de souplesse que les Grecs si raides et si secs, aussi bien dans leurs peintures que dans leurs mosaïques. Cette vieille manière, dure, grossière et plate, était le fruit, non de l’étude, mais d’une routine que les peintres d’alors se transmettaient l’un à l’autre depuis nombre d’années, sans songer jamais à améliorer le dessin, le coloris ou l’invention.
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PAOLO UCCELLO,
peintre florentin.

Depuis Giotto, on n’aurait vu aucun peintre aussi ingénieux que Paolo Uccello, s’il eût consacré aux figures d’hommes et d’animaux les heures qu’il perdit dans ses recherches sur la perspective. Sans doute, cet art est beau et précieux ; mais celui qui en fait une étude trop exclusive gaspille son temps, se fatigue l’esprit, finit par adopter une manière sèche, stérile, mesquine, hérissée de difficultés, et risque de tomber dans l’isolement, l’extravagance, la mélancolie et la pauvreté, comme Paolo Uccello.

Cet artiste, doué d’un génie subtil et capricieux, tourna tous ses efforts vers la perspective, qui lui fit négliger les figures, de telle sorte que dans sa vieillesse il ne cessa d’aller de mal en pis. L’homme qui se livre à un travail excessif violente la nature, et produit des ouvrages dépourvus de cette gracieuse facilité que rencontre naturellement celui qui sait se modérer et éviter certaines minuties qui offrent je ne sais quoi de raide, de forcé et de pénible.
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«1488. Ce premier jour d’avril, moi, Lodovico di Lionardo di Buonarrota, j’ai placé mon fils Michel-Ange auprès de Domenico et de David di Tommaso di Currado, pour les trois années à venir, aux conditions suivantes : ledit Michel-Ange restera avec les susnommés le temps indiqué pour apprendre la peinture, peindre et faire tout ce que les susnommés lui ordonneront. Ils lui donneront dans ces trois ans vingt-quatre florins di sugello: la première année six, huit la deuxième, dix florins la troisième, en tout la somme de quatre-vingt-seize livres.»
Vasari cite les livres de Domenico Ghirlandaio dans le chapitre consacré à Michel-Ange.
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NOTES.

(1) Voyez le Baldinucci, tome I, page 17 de l’édition florentine, où il est dit que les Cimabui étaient aussi appelés Gualtieri.

(2) Vasari se trompe, en faisant travailler ces peintres grecs dans la chapelle des Gondi, bâtie, avec l’église entière, un siècle plus tard. Il fallait dire, dans une autre chapelle, sous l’église, où l’on plâtra depuis toutes ces peintures grecques, pour leur en substituer d’autres d’un artiste du XIVe siècle.

(3) Ce tableau est également mentionné par le Cinelli, page 317 des Bellezze di Firenze ; mais il ajoute qu’il fut enlevé lorsqu’on restaura l’église, et on ne sait où il se trouve aujourd’hui.

(4) Le tableau de Baldovinetti fut remplacé par une peinture de Pîero Dandini, représentant la Trinité.

(5) Cimabue fit aussi, pour l’église des Vallombrosani de San-Pancrazio, un tableau représentant la Vierge et l’Enfant-Jésus. Ce tableau, entouré de divers sujets, après avoir orné le chœur de l’église, fut transporté dans le monastère.

(6) Toutes ces peintures sont détruites.

(7) Ces sujets de la vie du Christ ont péri.

(8) Ce tableau est décrit par le P. Richa, page 62, tome III.

(9) Le Musée du Louvre possède deux tableaux de Cimabue : la Vierge et des Anges ; la Vierge et l’Enfant Jésus.

Le P. Richa parle de plusieurs tableaux attribués à Cimabue, et dont Vasari ne fait point mention ; il cite, entre autres, un saint François, à Santa-Croce de Florence ; une Madone, sur un autel de San-Pietro-Scheraggio ; le devant de l’autel de Santa-Cecilia ; un Crucifix, dans le monastère des religieuses de S.-Jacopo di Ripoli, etc.
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Simone de Sienne introduisit le portrait de Cimabue dans son tableau de la Foi que possède le chapitre de Santa-Maria-Novella. Le visage est de profil et maigre, la barbe courte, un peu rousse et pointue : le front est couvert d’un chaperon qui enveloppe le cou avec grâce : à côté, Simone se peignit lui-même de profil, à l’aide de deux miroirs. Entre eux, un soldat armé représente, dit-on, le comte Guido Novello, alors seigneur de Poppi.

Il me reste à dire que, dans un livre où j’ai rassemblé des dessins de tous les artistes qui ont existé depuis Cimabue, on voit, de la main de ce maître, plusieurs petites miniatures qui, toutes grossières quelles paraissent aujourd’hui, peuvent montrer combien le dessin s’améliora dans ses mains (9).
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À propos de ces vers, un commentateur du Dante, qui vivait du temps de Giotto, dix ou douze ans après la mort du poète, c’est-à-dire vers l’an 1334, écrivait ces propres paroles : « Cimabue de Florence, contemporain de l’auteur, fut un peintre aussi noble qu’on peut l’imaginer. Il était si fier et si hautain, qu’il n’hésitait jamais à détruire un ouvrage, si précieux qu’il fût, dès qu’on lui faisait apercevoir ou dès qu’il apercevait lui-même un défaut ; et cependant, comme cela arrive aux artistes, il ne fallait accuser que la matière ou l’outil. De tous les peintres de la même ville de Florence, Giotto fut et est encore le plus éminent, comme le prouvent ses ouvrages à Rome, à Naples, à Avignon, à Florence, à Padoue, et en beaucoup d’autres endroits, etc. » Ce commentaire est aujourd’hui entre les mains du révérend Messer don Vincenzio Borghini, prieur degl’Innocenti, homme illustre, non seulement par sa noblesse, sa bonté et son savoir, mais encore par son amour éclairé des beaux, arts ; aussi a-t-il justement mérité d’être choisi pour lieutenant du duc Cosme dans notre Académie du dessin. Mais revenons à Cimabue. Il n’est que trop vrai que sa renommée s’éclipsa devant celle de Giotto, de même qu’une petite lumière pâlit à côté des rayons éclatants d’un grand foyer. Cimabue fut le premier qui restaura l’art de la peinture ; mais Giotto, son élève, aiguillonné par une louable ambition, et favorisé du ciel et de la nature, ouvrit la porte de la vérité à ceux qui ont poussé l’art à cette perfection et à cette hauteur où il se trouve à présent. Notre siècle, accoutumé à voir chaque jour les prodiges et les miracles enfantés par nos artistes, est arrivé au point de rester presque indifférent devant les plus merveilleux chefs-d’œuvre, quoiqu’ils semblent dus à la Divinité elle-même plutôt qu’au génie de l’homme. Heureux encore seraient ceux qui embrassent avec courage cette pénible carrière, si, au lieu d’éloges et d’encouragements, ils ne recueillaient pas le blâme et même souvent la honte !
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Malheureusement pour Cimabue, sa gloire fut obscurcie par celle de son élève Giotto, comme le témoigne le Dante dans le onzième chant de son Purgatoire où, en faisant allusion à l’épitaphe que nous avons citée tout à l’heure, il dit :

Credette Cimabue nella pintura
Tener lo campo, ed ora ha Giotto il grido ;
Si che la fama di colui oscura.
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Ces travaux avaient valu à Cimabue une grande fortune et une immense réputation. Il fut alors adjoint à Arnolfo Lapi, habile architecte, pour construire Santa-Maria-del-Fiore ; mais il mourut l’an 1300, à l’âge de soixante ans, après avoir en quelque sorte ressuscité la peinture. Il laissa plusieurs élèves, et entre autres Giotto, qui fut un peintre du plus haut mérite. Giotto habita, dans la rue del Cocomero, la propre maison de son maître Cimabue, après la mort de celui-ci.

Cimabue fut inhumé dans l’église de Santa-Maria-del-Fiore. Nini composa en son honneur l’épitaphe

suivante :
Credidit ut Cimabos picturæ castra tenere,
Sic tenuit vivens, nunc tenet astra poli.
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