AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de elea2020


Eh bien, j'y suis donc arrivée, à relire ce livre qui a tant marqué mon adolescence, et qui m'a précipitée dans un maelström d'émotions contradictoires, car je n'en faisais plus la lecture au premier degré comme autrefois, mais avec un recul de quarante ans.

J'ai du mal même à évoquer de manière détachée mes impressions de lecture, tant j'ai pris conscience au fur et à mesure que des images fortes du roman m'avaient marquée jusqu'à s'immiscer dans mes propres souvenirs, comme si j'avais réellement vu les mêmes scènes. J'avais tout oublié, mais des épisodes étaient restés échoués là, dans des recoins obscurs de ma mémoire, comme une barque retournée sur la plage.

Nous retrouvons Zézé sur une période assez longue, de ses 11 ans à 15 ans, durant le temps où il vit chez l'oncle qui l'a adopté et lui paie ses études, dans un collège de frères maristes, à Natal, ville du Nordeste du Brésil. Zézé - je dis Zézé, mais il a quantité de surnoms selon les personnes : Zé, Zéca, Chuch, Monptit... - n'a rien perdu de sa sensibilité ni de sa précocité. Mais il est adolescent, et la révolte devant les injustices vient s'ajouter à ses moments de désespoir et lui rend la vie compliquée. On ne compte plus les "guerres" qu'il mène au collège, il a toujours l'art d'écouter "la voix du diable" comme autrefois. du reste, je trouve qu'il a beaucoup de voix cet enfant, de dissociations en personnalités différentes, qui lui apparaissent tel son coeur sous l'aspect d'un crapaud-cururu, Adam, ou encore la figure du père idéal sous les traits de Maurice Chevalier. Je me suis demandé si ces personnalités ou amis imaginaires étaient le résultat d'une schizophrénie ou plus simplement d'un mécanisme de défense dû aux traumatismes vécus.

Zézé se sent mal dans sa famille, qu'il ne comprend pas et qui ne le comprend pas. Les reproches tombent, il est souvent privé d'événements dont il se faisait une joie, il se sent méprisé. Lui-même reconnaît avoir un caractère difficile, sauvage, ombrageux ; ainsi passe-t-il un bon mois sans adresser la parole à son père adoptif qui a été injuste envers lui. Heureusement, en plus de ses amis imaginaires, il peut compter sur plusieurs frères bienveillants au collège, qui l'aident à grandir droit et lui apprennent tout en même temps l'indulgence, la patience envers les bêtises de l'enfant, parce qu'il grandira et apprendra. On le couvre même pour satisfaire sa plus grande passion : nager. Ah ! l'épisode du requin... Je ne l'ai jamais oubliée de ma vie, cette "odeur de pastèque" !

C'est tout de même une des sources de ma gêne que l'attitude de Zézé envers les personnes qui le comprennent et l'aident : il est prompt à manipuler son entourage, à présenter les choses sous un jour avantageux (même s'il brille aussi par sa sincérité), voire à exercer une forme de chantage au suicide assez fréquente. L'auteur (ou narrateur) n'a pas pris assez de distance, il sombre parfois dans l'auto-complaisance, cela peut être agaçant ou désagréable. Je m'en suis presque voulu d'avoir autant aimé ce livre, de m'être tant identifiée à Zézé, comme si cela faisait de moi une personne qui avait été également complaisante envers sa jeunesse, et ses souffrances d'enfant. Vu de l'extérieur, si l'enfant précoce est touchant, l'adolescent suscite moins la compassion ou la compréhension, c'est peut-être le drame de nombre de jeunes, à qui l'on ne pardonne pas grand-chose, et à qui l'on demande d'entrer durement dans un monde dont ils ne veulent pas.

Il reste néanmoins ces évocations magnifiques qui ont marqué mes souvenirs, que j'ai retrouvées avec émotion (et tâché de communiquer dans les citations choisies) : grâce à Zézé, ou plutôt José Mauro de Vasconcelos, j'ai un peu grandi au Brésil, sentiment que j'ai retrouvé en marchant sur les plages de Rio il y a vingt ans. C'est toute ma jeunesse qui remue entre ces lignes, et ce n'est pas une mince affaire que de clore ces chapitres.
Commenter  J’apprécie          3410



Ont apprécié cette critique (33)voir plus




{* *}