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Citations sur L'Enfant rouge (15)

(…) gamin : t'as remarqué que le vent qui te mord souffle de l'est, des steppes ?

Tends mieux l'oreille, là, comme ça : oui, dans ce coin d'l'atelier... T'entends pas autre chose, dans Ie raffut de la bourrasque ?

T'entends pas comme des grosses voix d'hommes, un chœur qui chante contre le froid, la mort ? C'est un chant russe, gamin. .. Le chant d'Octobre, là-bas...

Et t'as pas besoin d'en saisir les paroles, d'en deviner ce qu'y dit, les broutilles, le détail : tout de suite, hein ?, tu sens la force qu'il donne, la chaleur, le bon feu...

Faut les suivre, Henri, y aller, y emboîter le pas... Chante, mon gars, chante avec moi le vent et la tempête, chante à tue-tête et tu seras, et on sera sauvés.. . »
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Ça empêche pas qu'il se portait toujours premier pour la grève. Ou pour décider les autres, les entraîner à réclamer leur dû, se bagarrer. Toujours lui qui allait en délégation causer à l’ingénieur, au patron... En 1935, cinq fois il a été fichu dehors ! Pour manger, il acceptait de balayer, de trimballer des choses pas propres. Mais aucune usine n'en voulait : une tête dure, ils disaient tous. Un genre de Russe (note : Védrines ça sonne Lénine).
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Des syllabes de là-bas, j’ai entendu en regardant les sapins. Des « r » roulés, l'un sur l'autre, « Wer-macht », il me semble, et des « k » claqués en série, consonnes nazies, « Luckau, Luckenwalde » et, plus nettement, quoique moins violent, «Finsterwalde», le nom de la ville allemande que ce printemps j’ai sans cesse estropié devant Thollus. Sûr et certain : je venais de les guigner à la volée, sans y faire gaffe, quand j'avais feuilleté les liasses du père.
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Des années plus tard, j’ai lu Jules Verne l'arpenteur, moi aussi, un des rares auteurs où j'ai bien voulu suivre le père très longtemps. (Dans nos premières lectures, on suit sans y penser les parents, la maîtresse d'école, on n'entre pas là-dedans tout seul, on ne pourrait sûrement pas, tant est impérieuse la voix écrite à laquelle on va se donner, tant c'est l'autre monde, l'étrangeté, l'oubli de soi.)

Mais, à partir de onze, douze ans, tout roman que le père recommandera me semblera âpre, impénétrable, non que le livre le soit, mais parce que je ne peux plus lire par-dessus son épaule, ou comme s'il m'accompagnait, même de loin, à bonne distance. Plus jamais avec sa voix, son souffle - la parole prodigieuse que jusqu'alors je lui avais prêtée.

Si, dans une autre maison, je réussis à devenir Nemo, si mon nom est enfin Personne, c'est que je n’accueille plus le père.
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Pour une fois, essaie de réfléchir, de te comporter en adulte. Je m'adresse à toi comme je ferais à un militant aguerri, quelqu'un qui serait expérimenté. Dans la lutte que nous menons, Jean, tu sais bien qu'on ne peut pas tout dire, qu'on doit garder absolument des secrets.,. Des secrets qui ont sauvé beaucoup de camarades pendant la Résistance.

Si ton père, pour une fois, te demande ce petit renoncement (pas de questions sur ce rendez-vous), c'est qu'il a de bonnes raisons. Et, bien sûr, le Parti aussi. ..

Retiens ça : un vrai camarade sait se taire. »

J'ai compris : dans son plastique marron, l'histoire du militant illégal sera bien du voyage.
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"Oh, faut apprendre à lire entre les lignes, vois-tu...Ce sont les rois du silence, là-haut, du demi-mot..."
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La belle table que c'est ! Dix mètres, au moins, de quoi faire tenir un banquet du Parti, Cinquant4 personnes coude à coude ...et la nappe, épaisse, lourde, qui retombe sur le plancher, une robe de bal, de princesse.... éclatante, il m'a dit, ton père. Une blancheur de neige. Comme l'hiver à Bussière, le gel étincelle devant la grotte à Vaury. Un éclat qui blesse l'œil, il trouve même. Une lumière incroyable, dans la pénombre de ce premier étage. " Comment ils font ", y s’demande. (moi, je sais: ma mère était lavandières sur le bateau-lavoir, au pont Saint Pierre.). P’t qu’elle était neuve ? Qu’ils l’ont achetée pour l’occasion ? " ( Tu parles : ils en ont plein les armoires, et le blanc neige, ce sont les coups de battoir, les bras rouges de froid de ma mère dans d’eau glacée du Cher.) Il n’ose pas poser les mains dessus: les gens, sûrement, les trouveraient noiraudes, pas assez frottés. Des paluches. Pas des doigts du prince ou du petit roi. Il guigne vers le fils aîné, qui qu'à un drôle d’air, l’œil qui moque : la peau claire, les ongles transparents...
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C'est les capitalistes, garçon, c'est eux qui ont toujours besoin de la guerre, pas nous ! (p143)
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Les" m", les "n", les "a", les"o", toujours lilliputiens, marchent en colonne mais plus nets, peut-être, une ligne de bons chevaux au pas. Et les lettres hautes, maintenant, les dépassent franchement, plus étirées qu'au début, voyantes: les têtes des cavaliers, je me dis. des cavaliers rouges qui approchent le camp !
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" À nous, la belle vie, celle des riches ! Celle qu'on leur a volée en 36, par la grève et la frousse qu'on leur a fichue... n’oublie pas ça, fils : le meilleur de l'existence, tu le devras à nous autres, les grévistes... Et gare, quand je serai plus là, à ce que les patrons et leurs larbins ne te fauchent pas ce trésor : le farniente à la plage, la sieste tous les après-midi, le travail enfin jeté aux oubliettes ...tu sauras te battre, hein, garçon ! Parce que, dès qu'ils pourront, les bourgeois reprendront ce qu'on leur a arraché... »
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