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Critique de MarianneL


Qui se souvient de Gaston Ferdière ? Médecin et directeur de l'hôpital psychiatrique de Rodez, où Antonin Artaud fut interné entre 1943 et 1946, on ne se souvient de lui que pour le désavouer, en tant que psychiatre borné et obscurantiste, notamment du fait des traitements par électrochocs qu'il fit subir à l'écrivain.

Emmanuel Venet fait revivre Ferdière, depuis son grand-père fabricants de billards à Saint-Etienne, ses études à la Faculté de Médecine de Lyon, ses ambitions de poète refroidies par le voisinage quotidien de la souffrance et de la mort, et son virage vers la psychiatrie.

“Voilà notre jeune marié à Paris, plus près du Dieu qui hante encore les couloirs de Sainte-Anne et vient d'éventrer le professeur Claude d'une griffe insolente. Ferdière atterrit d'abord à Villejuif. C'est là qu'il rencontre le verbe déstructuré, grandiose et hermétique des fous : la source même de toute poésie, l'endroit rêvé pour étancher enfin sa soif d'inouï et se lancer vraiment.
On imagine sans peine sa fascination pour ce monde clos, déglingué, somptueusement cacophonique. Une vacuole où la langue bureaucratique répond aux sémaphores des corps mal tenus, où le sens trace d'innombrables pistes à travers les éruptions de violence, de sperme ou de charabia. Il faut s'être aventuré dans un asile, même actuel, pour savoir combien cette humanité chancelante fait d'abord peur et mal, et comment on s'en défend par le rire jaune et la fausse science quand on n'ose pas la fuir ou la singer."

Dans ce magnifique récit d'une quarantaine de pages, dans la lignée de ce que fit Pierre Michon avec, notamment, la "Vie de Joseph Roulin", Emmanuel Venet continue d'explorer la relation entre maladie et littérature, et trace un portrait nuancé de Ferdière, médecin généreux, se battant contre la famine dans les asiles pendant la seconde guerre mondiale, un homme trop tôt convaincu de son manque de talent littéraire, et qui réussit malgré tout à remettre Artaud à sa table de travail.
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