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Critique de gavarneur


Quelque part entre le hussard sous le toit, fête païenne chez Franz de Galay et récits de la Kolyma en Lorraine ?

J'ai reçu avant la rentrée littéraire le deuxième roman de Frédéric Verger. J'en remercie Babelio et Gallimard. Et je compte me procurer rapidement Arden, son premier ouvrage, car j'ai lu ce deuxième volume avec plaisir.

Plus de 400 grandes pages d'une prose dense, mais d'une lecture jubilatoire. le sujet n'est pas léger : pendant la deuxième guerre mondiale, un soldat prend pour survivre l'identité d'un mort, comment va-t-il vivre dans la famille dont il prétend être membre ? Ami lecteur, sois averti : la guerre n'est pas ignorée, certaines scènes sont abominables , quoique vraisemblables.

J'ai aimé la capacité de Frédéric Verger à créer : des personnages, une région, des atmosphères surtout. Les situations sont instables, incertaines : jeux de l'amour et du hasard, de la faim, de la peur, de la folie, de la joie et de la mort.

Dès la première partie, le doute et la mort se mêlent. Peter n'est qu'un soldat prisonnier de dix-sept ans, on ne sait guère ce qu'il pense mais sa détermination à vivre est énorme. Les quatre autres parties principales sont presque des récits autonomes, avec unité de lieu, où Peter, les deux cousines si charmantes, la vieille mère si russe, son serviteur et le commandant allemand évoluent et tissent la trame du fond, toujours dans une ambiance où chacun lutte pour survivre. Leurs portraits sont beaux, complexes, et je les ai trouvés pleins de vérité, dans leur poids ou dans leur fantaisie.

Deux autres personnages sont plus fantomatiques, ils sont du domaine du rêve (qui comme chez Nerval est proche de la folie). Un amour d'une beauté surréaliste semble inspirer des actions bien folles, la bande de Breton est d'ailleurs évoquée clairement. Et globalement une atmosphère de rêve imbibe tout le livre.

Pour moi, Frédéric Verger s'intéresse plus au style qu'à la psychologie. Il y aurait eu matière à des pages de monologue intérieur, mais le narrateur froid ne nous livre presque rien des pensées des personnages. En revanche, les métaphores, parfois humoristiques, et surtout les descriptions font vraiment le plaisir de la lecture. Curieusement, en ce 21ème siècle, la minutie des détails observés et commentés donne à ces descriptions leur caractère onirique.

Globalement j'ai aimé la richesse de l'écriture, inventive, sensuelle parfois. Elle peut être terrifiante aussi, mais la distance que Peter semble garder avec les événements même les plus douloureux les rend supportables. A contrario, son amour impossible donne des scènes magnifiques, mais dans lesquelles une certaine distance subsiste.

PS : Quelques détails ont un peu troublé ma lecture : lisant des épreuves non corrigées, j'ai trouvé quelques fautes d'orthographe, une anomalie topologique, mais tout cela est sûrement déjà corrigé. L'introduction est faite pour frapper : mots rares, mention de « Diderot, attiré à Bray par le désir de faire l'amour à une dévote », géographie bizarre (le Pays de Bray existe, pourquoi reprendre ce nom pour créer une région à l'autre bout de la France?). Et j'ai souvent eu l'impression qu'il me manquait des clés pour décoder des allusions. Une mention d'Offenbach m'a permis de trouver l'origine d'une chanson, Google m'a révélé que la Marsovie venait du premier roman de Frédéric Verger, mais combien d'allusions ai-je manquées ? Je me suis aussi interrogé sur la raison de plusieurs passages subits au présent de narration. Tout cela dévoile un texte complexe, qu'on peut lire relativement naïvement, mais qui propose aussi une lecture profonde. (Plus que le hussard sur le toit, la troisième partie vous évoquera peut-être votre labyrinthe préféré, ou un jeu vidéo).
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