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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Le vent de l'Histoire balaie les 740 pages de ce roman; un vent de feu et de cendres, le feu de la matière, celui de la violence humaine. le XX° siècle fut mais le XX° siècle ne peut céder si facilement devant le siècle nouveau. Car le XX° siècle, c'est à la fois l'instauration de systèmes politiques broyeurs (nazisme, stalinisme) et la suprématie de la physique quantique, mère de la fission atomique.
Paul Verhaeghen ramasse le siècle en une sphère brûlante, crée en son roman un trou noir dans lequel suffoque le lecteur. La langue, magnifique, avance par métaphores justes, très justes, auréolées par la noirceur de l'Histoire, des histoires. Moi, 740 pages ciselées, ça me fait succomber.
Lorsqu'un bombardement sur Berlin rend l'immeuble vulnérable, qu'à l'approche du feu, l'immeuble s'agite puis se cabre, je m'émeus. Et je m'esbaudis lorsque l'écrivain résume le langage du communisme bureaucratique ainsi: "Les communistes plâtrent génitif sur génitif. Vous écoutez maintenant le président de la délégation du Présidium du Soviet suprême de l'Union des Républiques soviétiques socialistes." On frôle la perfection! Les perles pullulent à la surface du papier. J'ai rapporté pour vous "le grattement rhumatismal de l'aiguille du gramophone" mais ce choix est subjectif. Il y a abondance. Les images fleurissent, foisonnent, époque après époque...

… Epoque après époque, car les plus belles pages narrent la mitteuleuropa, de la nazification berlinoise des années 30, au III° Reich avec sa solution finale, en passant par l'édification du Mur, la RDA communiste, jusqu'à l'effondrement des deux blocs. le coeur du roman palpite dans les confessions de Jozeph de Heer, rescapé d'Auschwitz. Des confessions dans lesquelles on s'immerge avant de recracher quelques morceaux au goût surprenant de déjà-vu.
Car il m'est arrivé de l'oublier. Occupée à écouter Jozeph, j'oubliais qu'Omega Mineur est un roman, pas un récit. Un grand roman. Avec ses héros, son intrigue, ses rebondissements. Un thriller mené de main de maître. de la science-fiction qui fusionne. Des pages de physique qui me rappellent mon statut d'ignare scientifique. Des passages de sexe qui me ramènent à ma nationalité de Française dévergondée (puisque la critique américaine a ironisé sur la prodigieuse diversité des formules disant l'éjaculation. Moi, ça ne m'avait pas marqué et je relèverai le qualificatif de prodigieux).

Bref, cette histoire voit se croiser Jozeph de Heer et Paul Andermans, peut-être l'alter ego de Paul Verhaeghen (Belge comme lui, psychologue cognitif comme lui, écrivain dans un second temps comme lui). Un autre Paul. Paul Goldfarb, physicien, prix Nobel, allemand d'origine. Donatella, l'ébouriffée physicienne italienne qui unit les deux Paul. Nebula, le trait d'union entre Paul Andermans et l'autre Jozeph. Et l'Histoire et la Science et l'Art.
Un roman total. Pas totalement parfait mais totalement total.
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Ce roman ambitieux passe au crible les traumatismes du XX° siècle dominés par l'Holocauste et la bombe atomique. Il est constitué de trois lignes narratives qui débutent toutes trois en Allemagne, avant 1945 lors de la montée du nazisme et se terminent également en Allemagne, en 1995, après la chute du mur de Berlin. Entre les deux, la roue de Shiva, dieu hindou de la création et de la destruction, a fait un tout complet. Un parallélisme existe constamment entre ces deux époques. La même interjection est même utilisée, avant 1945 par les nazis qui ont tabassé un juif et anénanti son commerce et en 1995 par les néonazis qui ont tabassé dans le métro Paul Andermans, jeune chercheur belge : "Les agressions se doivent d'être chaotiques et bâclées". C'est la mauvaise situation socio-économique et le vide idéologique qui ont amené le nazisme avant 1945. C'est la même situation économique après la chute du mur qui amènera le néonazisme.

La première ligne narrative du roman est celle du professeur Goldfarb qui, enfant, a fui avec sa mère l'Allemagne nazie pour les USA, qui a contribué à la réalisation de la bombe atomique et qui, à l'automne de sa vie, est revenu enseigner à Postdam où il est tombé amoureux d'une de ses étudiantes : Donatella.
La seconde ligne narrative et sans doute la colonne verébrale du roman est celle du vieux Josef de Heer, juif dont les parents ont été déportés, qui est entré dans la résistance dans une troupe de prestidigitateurs, a été déporté à Auschwitz, y a survécu, s'est installé à Berlin-Est, a collaboré à la construction du mur et raconte l'histoire de cette vie à Paul Andermans.
La troisième ligne narrative est celle de Nebula traqueuse de nazis. Cette jeune allemande est la petite-fille de la célèbre actrice allemande Helena Guta dont la fille était trop foncée de peau pour être de type arien et a été envoyée à Auschwitz où elle a été retrouvée miraculeusement en vie lors de la libération du camp.
Ces trois fils rouges s'entremêlent de diverses manières.

La perspective change radicalement à la fin du roman. Un changement de cap qui pose une question importante: si le témoignage d'un survivant de la shoah n'est pas fiable, que croire encore? Tous ces actes que Josef s'est attribué ne sont pas des mensonges. Ce qui est mensonge c'est de se les attribuer. Peut-être voulait-il former par collage un monument universel érigé à la gloire des victimes du nazisme?
Josef de Heer critique les historiens qui sont contre la fictionalisation de la littérature des camps sous prétexte d'authenticité. Pour Josef l'authenticité est une fiction. Un mensonge bien raconté peut être aussi "vrai" que la vérité. Josef de Heer se moque des conventions littéraires qui régissent le témoignage des camps.
Paul Verhaeghen également et c'est tant mieux.
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Brillant. C'est le premier mot qui vient à l'esprit quand on a refermé Oméga mineur. Brillant et ambitieux. Comment qualifier autrement un roman qui mélange théories scientifiques pointues, mythes grecs et cosmogonie hindouiste avec la reconstitution minutieuse de la persécution juive sous les nazis et la course à l'arme atomique ? L'intrigue, impossible a résumer tant elle comporte de personnages et de sous-développements met en scène trois personnages principaux : un vieux juif berlinois, rescapé d'Auschwitz, Jozef de Heer, un physicien allemand exilé aux USA avant la guerre, Paul Goldfarb, et un jeune psycho- cogniticien néerlandais chargé de recueillir les souvenirs du vieux juif, Paul Andermans. Des trois, c'est l'histoire de Jozef de Heer qui sert d'épine dorsal au roman.

Arrivé à Berlin avec ses parents au début des années 30, on revit à travers lui la montée de l'antisémitisme hitlérien depuis les vexations et humiliations cruelles infligées à l'étudiant israélite jusqu'aux lois raciales faisant des Juifs des parias sur le territoire allemand. Ayant échappé à la déportation -- contrairement à ses parents--, on le suit dans le Berlin clandestin des théâtres burlesques et des bars louches jusqu'à sa capture et sa déportation à Auschwitz. Entre temps, il aura fait l'apprentissage de la sensualité et découvert les affres de l'amour. Après la guerre, il deviendra un illusionniste célèbre et sera un important artisan du mur de Berlin.

Parallèlement à l'histoire de Jozef de Heer, on suit celles de Paul Goldfarb exilé aux USA dans les années 30 pour fuir la persécution nazie et de Paul Andermans, venu poursuivre des études postdoctorales à Postdam à la fin du XXe siècle. Outre leurs préoccupations professionnelles respectives -- le projet Manhattan pour Goldfarb et les théories de la mémoire pour Aldermans --, on connaîtra surtout d'eux leurs passions amoureuses et érotiques pour des femmes fortes et indépendantes. Andermans permet à l'auteur d'aborder la question de la montée du néo- nazisme en Allemagne et Goldfarb détient la clé du très étonnant dénouement du livre.

L'oméga mineur dont parle le titre réfère à la constante cosmologique d'Einstein dont la valeur, si elle était connue, permettrait de déterminer le sort qui attend notre univers. Plus grande que un elle garantirait son expansion continue jusqu'à son extinction, plus petite elle annoncerait son implosion finale. Sur cette question de la précarité du monde, Paul Verhaeghen a non seulement conçue un passionnant roman historique aux accents de polar, mais il propose en supplément une méditation roborative sur la permanence du mal et le silence de Dieu, sur les mécanismes de la mémoire et la nécessité de l'oubli, sur la trahison et la fidélité. Baroque, touffu, érudit, parfois ardu mais toujours captivant, Oméga mineur est un tour de force littéraire comme on en lit peu souvent.
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