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Critique de wellibus2


Entre provocations et trivialités, le lettré Verheggen dégage une puissance verbale peu ordinaire. Ses zuteries appartiennent à la grande tradition de la gauloiserie sauvage.
Puisqu'il faut choisir un recueil de poèmes pour l'été, celui qui ira avec votre slip de bain et votre teint blanc de blanc, c'est évidemment le livre de Jean-Pierre Verheggen qui prendra place dans votre valise. Mille et une bonnes raisons justifieront ce choix. D'abord parce qu'avec un sous-titre tel que zuteries, l'auteur souligne la portée de son geste. Loin de la poésie poétisante, Verheggen n'est pas un chichiteux. Sa poétique, il la situe entre "Eschyle Zavatta" et les "indiens dakota qui toujours marchèrent Dakoté d'leur syntaxe".
La poésie naît là "Dans cette gaucherie apparente! Dans cette maladresse géniale". Il suffit d'une "Leçon d'inattention" et, peut-être, d'une "Leçon de pésie" (sic) pour oser les gros mots (tous) et les blagues de tout calibre (fine, demi-grosse, grosse) dignes de requinquer les dépressifs et de gondoler les autres, tout en satisfaisant les cérébraux. le tour de force est là. Les amateurs d'intertextualité (en voilà un gros mot) se repaîtront, par exemple, du clin d'oeil aux Litanies du scribe de Jude Stefan ou à l'Opéra bouffe de Maurice Roche.
Tout unique qu'il est, Verheggen est l'héritier d'une belge filière confondante d'alerte gaieté. On la nomme parfois la Belgique sauvage car elle vit grandir André Blavier, Noël Godin l'entarteur ou Clément Pansaers. À propos de Verheggen, on songe aussi au plus grand d'entre eux : Louis Scuténaire. Il y a chez Verheggen un débraillé cochon qui confine à la provocation. Ainsi de sa passion pour les mots les plus crus et pour le calembour dont son éditeur considère sans mal qu'il est le "stakhanoviste". En préface de la réédition d'Artaud Rimbur, Marcel Moreau pose la question : ""Calembourrative", cette oeuvre? Non. (...) C'est d'un art de tourner de fond en comble le gisement verbal qu'il s'agit." Et Verheggen en laboure de la langue, à toutes les lignes dans une "polyphonie crûment sensorielle" (M. Moreau toujours).
Pour comprendre Verheggen c'est vers Claude Gaignebet plutôt que du côté de la revue TXT où il fit ses débuts que l'on se tournera. Dans le Folklore obscène des enfants, Gaignebet faisait remonter à Rabelais certaines comptines de cours d'école. Aussi n'est-il pas besoin de chercher plus loin le sens des soties poissardes qui paraissent sous une couverture de la maison Gallimard. Les vieux "t'as ta clope, t'as pas ta clope" et autres "c'est gratuit pour les handicapés" sont bien faits pour défriser les dignes lecteurs de Marcel Prout.
La joyeuse ripaille de Verheggen sonne fort comme l'indique une folle prolifération de points d'exclamation. Il a le rythme en bouche et c'est la crainte de perdre le tempo en même temps que sa pompe, le coeur brusquement fatigué, qui a motivé le bel Opéré-bouffe, auquel un Portrait de l'artiste en Castafiore catastrophique fait écho : "Mon pauvre corps/ Mon cher ami/ Tout est plis et dépit, n'est-ce pas?". Les fatrasies se teintent sans perdre haleine d'une inquiétude métaphysique profonde. le rire et la mort. Pardon : le sexe, la bouffe, le rire et la mort entonnent ensemble un "éloge de la logorrhée", un chant de vie plein d'allant. Avec l'autorisation de régresser, "Miam miam bonbon bougnat", allez, cet été, on se laisse aller.

http://www.lmda.net
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