Citations sur Le silence du soleil (10)
Tu avances dans le noir ; tu tâtonnes. C'est humain. Etranger devant, derrière, partout. Pourtant tu continues, tu persistes dans ta marche de fourmi. Des yeux, tu cherches ton chemin. L'amour aveugle, le plus bel amour ? Aimer justement car on n'y voit rien. Ainsi sont peut être les alliances hétéroclites. Aimer en aveugle à l'aveugle.
Il est temps d'aller dormir, de fermer vraiment les yeux, de tirer la porte sur les songes, de poser le carnet sur la table tout en face de la fenêtre, de plonger sans lunettes dans le sommeil, de nous rappeler la petite barque qui va sur les eaux du souvenir.
Si vous deviez mourir dans une minute, à quoi, à qui penseriez-vous ?
Reverriez-vous l'enfant que vous fûtes, éberlué de rencontrer la lumière ?
La littérature, tout au contraire, serait un fauve qui nous embrasserait avec ses pattes de velours.
Non pour nous abattre, mais pour nous protéger, nous aider à vivre, à reprendre confiance.
Prouesse de funambule, prouesse d'aveugle. D'ailleurs, à quoi bon des lunettes maintenant ? A force de regarder la terre, le ciel, les gens, on a perdu la vue. Tous. A l'exception peut être des animaux, des enfants ? Tout est noir maintenant, ici. La nuit est tombée complètement. Pas un seul astre ne brille. Dans le noir, nous, elle, ce salon rustique, les peintures, les esquisses. Il est temps d'aller dormir, de fermer vraiment les yeux, de tirer la porte sur les songes, de poser le carnet sur la table tout en face de la fenêtre, de plonger sans lunettes dans le sommeil, de nous rappeler la petite barque qui va sur les eaux du souvenir.
Rien ne remplacera jamais cette lumière qui vient mordre le coeur, on ne sait pourquoi, et qui n'est pas sotte béatitude. La lumière est un loup, une abeille, une caresse. Sans la lumière, nous serions morts. Nous ne saurions vivre en permanence dans le noir, dans l'effroi. Ecrire ne doit jamais ajouter du noir au noir, puisque le noir, déjà, est partout. C'est le message du pré, ce matin, tandis que je chemine à travers lui, sur sa pente raide, juste à la lisière d'un bois, tandis que le soleil semble mettre le feu aux pierres d'une murette qui m'éblouit le coeur, et je ne parlerai même pas du chevreuil qui bondit sous mes yeux comme l'alphabet musical d'une autre langue.
Il y a dans cette vie fusante comme la déflagration d'un poème que je n'oublierai jamais, la vitesse d'une prise de vue, le foudroiement d'une image que la mémoire retient avec ferveur, ne la développant pas.
Elle reste une archive de l'enfance ou de l'adolescence, celle d'une époque ou l'insouciance était notre seule boussole.
Et je descendais alors dans la nuit, comme une barque qui quitterait son ponton et s'en irait glisser à travers les roseaux sur un fleuve impassible.
On va, on tâtonne, on erre, on apprend, on oublie, on ignore.
La lumière, souvent, vient réchauffer les petites veines sous nos tempes et une forme de joie, d'extase, s'emparent de nous jusqu'au profond des os.
On est alors émerveillé par ce que l'on voit et ce ne sont pas des mots.
On voudrait toucher ce vent de merveille, cet instant furtif, ce passage, ce mouvement, comment dire, l'apparition de cette justesse, de cette vérité.
C'est à ce compagnonnage fervent que je viens rendre hommage à travers ces pages enluminées par l'ami de toujours qui, comme moi, a tenté de trouver son chemin à travers les ténèbres.
Nous avons peint, écrit, pour y voir un peu mieux, saisir cette lumière qui fend parfois l'obscurité.