Ma crainte, le jour où la parole me reviendra, de me retrouver devant un nouveau vide. Le vide des mots m'emplissant la bouche avant de s'expulser vers le monde extérieur et que je ne pourrais plus filtrer dans l'intérieur de mon silence.
"J'ai tout de suite paré à l'inconnu. J'ai toujours parlé.
Même quand je ne parlais pas encore.
J'ai toujours su que les mots existaient pour conjurer les peurs".
"Mais lire nous aide et nous aliène. Nous voyons surgir les mots qui donnent forme à une exigence à peine germée en nous, mais nous les enchâssons dans trop de lumière : à nouveau, nous sommes aveuglés."
"À présent, je n'ai plus besoin d'invoquer l'exceptionnel pour saisir que dans chaque être, aussi démuni soit-il pour oser vivre, il y a cela qui le noue au vivant, cela qui n'est pas toujours à l'image du fleuve généreux, qui n'est souvent que la pierre noire enfouie dans la boue du sous-sol".
L'histoire de nos parents nous est obscure. C'est de cette obscurité que nous venons. Et celle de leurs parents l'était encore plus. Les enfants sont le fruit d'un engendrement continu d'énigmes.Telle est la genèse.
Je viens de faire une découverte : ce qui se passe à l'intérieur de moi n'intéresse pas autrui. Découverte emboîtée dans celle-ci : j'ai toujours cru que ce qui se passait à l'intérieur de moi pouvait intéresser autrui.
Vous nourrissez à présent une haute idée de votre silence. Par moments, vous l'exhibez à vos propres yeux. Mais la parole brûlante ne s'acquiert pas, fût-ce au prix du silence.
Il me semble que si je savais demeurer dans l'attente juste, si je savais demeurer, et me préparer, la parole un jour me reviendrait.
Parfois je ré-écoute le message d'accueil de notre répondeur téléphonique : c'est moi qui l'avais enregistré, avant mon mutisme, et tu ne l'as pas remplacé. J'écoute ma voix comme si je regardais une photo de moi déjà un peu ancienne.
Je ne m’habitue pas à ne plus pouvoir parler,
à ce qu’aucun son ne sorte de ma bouche.
J’attends que cela revienne, je souffre.
Mais mon silence me fait du bien.