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Critique de Quarto


Un élan contrarié

Depuis le désaveu des vies héroïques dans Mulukuku (Nicolas Duffour), je chemine modestement (Éloge des vies minuscules — Marina van Zuylen) et lentement à présent avec cet essai de Laurent Vidal, distingué par un prix du livre d'histoire d'une certaine académie, intitulé Les hommes lents, sous-titré « Résister à la modernité XVe – XXe siècle », qui me renvoie finalement à l'une de mes premières chroniques sur Babelio, consacrée à l'un des parangons du renoncement et du quiet abandon à la rêverie, Oblomov (Gontcharov), dont il n'est étrangement pas question dans ces Hommes lents… (En une phrase, bien trop vite à mon avis, il règle aussi son compte à Hartmut Rosa, le grand penseur de l'accélération.)

Mais je tourne en rond, accélérons. Laurent Vidal, avec moult citations et pléthore de références littéraires et historiques, entreprend une histoire des rythmes sociaux, la peinture d'un mode rythmique de discrimination sociale qui s'est formé avec la modernité, révélé par la présence desdits hommes lents, de fait ou réputés tels, figures de la discrimination qui en sont aussi tantôt le résultat et tantôt des formes de résistance, des lents et des faux lents, etc…

Laurent Vidal raisonne beaucoup par analogie, étymologie, métonymie et même homophonie. Pour le dire vite : il voit large et, comme on le sait, à moins d'être Superman, qui embrasse trop mal étreint. Mais à l'en croire, le sujet commande cette catégorie mal définie et définitivement fluctuante « d'hommes lents », catégorie révélée « par un tremblé des mots », qu'il serait vain de définir, mais « qu'importe si c'est de manière floutée, il faut simplement accepter la fragilité de leur présence ».

Donc on est dans le flou. C'est érudit, plaisant, intelligent, mais la théorie est faiblement charpentée. Elle est prise en défaut dès la préface à l'édition de poche qui voit dans le confinement et la reconnaissance des travailleurs « de deuxième ligne » (Macron, 13 avril 2020) une description possible aujourd'hui des hommes lents. J'imagine les livreurs ou les caissières drôlement surpris d'être ainsi caractérisés !

Cependant, Laurent Vidal a réponse à tout, et pour peu qu'on subisse un rythme, il a vite fait de vous catégoriser parmi les lents. En fait, paralogique, il établit que les [ses] hommes lents sont discriminés, et en infère que les discriminés sont des « hommes lents » et trouve toujours un comportement pour éclairer, de face, de derrière ou de côté, cette spécificité.

À ce compte, il est vrai, Oblomov aurait fait tache, lui le bourgeois, le rentier paresseux, quand Laurent Vidal constitue ces hommes lents par opposition au bourgeois conquérant de la modernité.
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