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Critique de collectifpolar


Autopsie en huis clos par Simone Gélin sous le regard acéré de Dany Flingueuse aidée de Misse Aline et Ge et tout cela pour Collectif Polar

Simone : J'avais hâte de découvrir ce livre dont j'ai beaucoup parlé avec Gilles pendant qu'il était en train de l'écrire. J'ai eu la chance de pouvoir le lire en avant-première si j'ose dire. En plus, il aborde un sujet auquel je m'intéresse beaucoup, l'histoire de l'Espagne.

Dany : Comment est-ce que tu qualifierais ce roman : historique, politique, écologique ?

Simone : Je dirais d'abord que c'est avant tout un polar (à cause de la construction, mais nous y reviendrons) et un roman noir sociologique, puisqu'il aborde des sujets écologiques, je peux citer un passage ? « Des hectares de serres à vingt bornes de la mer, en pleine caillasse. À perte de vue. le jardin de l'Europe. Entre Malaga et Almeria, au coeur des déserts andalous, « le jardin de l'Europe » fournit la moitié des fruits et légumes consommés par l'Union européenne. Serres gigantesques, dévastation environnementale sans précédent », et sociétaux, humanitaires, je cite un autre passage : « Des travailleurs africains réduits à l'esclavage et au silence. À quelques kilomètres des plages, genre connue de tous ignorée de chacun, une infamie à l'échelle nationale. Voire européenne. Des mecs qui bossent douze heures par jour et qu'on traite comme des parias. »

Geneviève : L'Espagne et le Franquisme un sujet récurent chez Gilles Vincent.

Simone : Oui, il adore l'Espagne, ce n'est pas un secret, moi aussi

Dany : le thème du Franquisme : politique (actuel) ou historique ?

Simone : Alors, excellent question, Danièle, tout est là. Parce que dans ce roman, le présent ne s'exonère pas du passé. C'est tout un pan de l'histoire de l'Espagne qui m'est revenu en mémoire dès les premières pages : La condition de ces migrants exploités par la rapacité de grands groupes agro-alimentaires, (ici les noirs vivent dans des cartons et sous des tôles) est la même que celle des paysans andalous, autrefois réduits à l'esclavage par les grands propriétaires terriens : la misère . Il fera dire à son personnage : Apartheid. Honte. Putain d'Europe. Dès lors, je devine que dans ce roman, le passé sera toujours en arrière-plan. Parce que c'est dans la nature même de l'histoire de l'Espagne.

Dany : Au-delà de l'environnement et de l'exploitation au nom du fric, il y a une intrigue que la 4ème de couverture nous annonce saignante …

Simone : Oui, dans ce théâtre, que nous peint merveilleusement bien Gilles, Thomas Volner va découvrir une affaire qui secoue toute l'Espagne : des disparitions d'enfants.
Là encore, cette histoire m'incite à faire un lien avec le passé. (Décidément, en Espagne, on n'en finit pas de lier les deux, le passé et le présent. )
Un lien, oui, mais lequel ?
Tout le talent de Gilles résidant à semer le doute, sera de nous balader pendant 400 pages dans les rues de Nijar et des alentours, de nous bouleverser, nous saisir, à force de coups de théâtre, de fausses pistes, de surprises.

Dany : Où se trouve Nijar ?

Simone : En Andalousie, et je dois dire qu'un autre des attraits de ce roman est aussi de nous évoquer parfaitement bien cette région de l'Espagne, que Gilles connaît très bien.

Dany : Les disparitions d'enfants en Espagne on en a beaucoup parlé il y a quelques années, toi-même tu as traité ce problème dans Jane de Boy. Crois-tu que toute la lumière a été faite sur cette triste affaire ?

Simone : Non toute la lumière n'a pas été faite. Les blessures de l'Espagne sont encore ouvertes aujourd'hui, parce que le devoir de mémoire n'a pas été accompli…
Une phrase revient dans le roman : Callarse. Nunca jamàs ! (Ne jamais se taire)

Simone : je vous cite des phrases que j'ai relevées : « Façades blanches, balcons de fer forgé, patios, ruelles. Difficile d'échapper à la carte postale.
Des bâtisses aux façades un peu défraichies, aux toits-terrasses chargés d'antennes. Il sourit au goût de chiottes des architectes urbains espagnols. Aux villes étranges qu'ils ont dessinées dans les années 70. »
« Dès la sortie de Nijar, c'est caillasse et compagnie. Partout, des collines érodées, des talus d'herbe sèche. Par endroits, comme oubliées des hommes et du ciel, les silhouettes d'arbustes rabougris.
L'ambiance est rendue par les détails de la vie des gens et : les tapas, l'omelette, le chorizo, la morue, la paella… »
Et l'église : « Dios nos libre qui revient comme une ritournelle.«

Dany : le roman de Gilles Vincent … tu dirais qu'il est contemporain ou historique ?

Simone :
eh bien, les deux. Parce que justement en Espagne, le présent ressuscite toujours le passé et parce qu'en plus, l'histoire de l'Espagne est universelle.

Dany : J'insiste lourdement … est-ce que l'intrigue aurait pu se dérouler dans un autre lieu, dans une autre époque (post-franquiste bien sûr)

Simone : Non, cette histoire est typiquement espagnole. Elle a ces racines profondes dans le pays.
Mais elle a une valeur universelle…

Miss Aline : Écrire sur ce thème n'est-il pas déjà faire acte de devoir de mémoire. ?

Simone : Bien sûr que cela n'est pas suffisant mais c'est déjà dire : on n'oublie pas.

Dany : Sur le problème de la disparitions, de l'enlèvement des enfants, l'Espagne a le courage de l'aborder. En France, le scandale des petites réunionnais envoyés en Corrèze a été beaucoup plus confidentiel ...

Simone : Oui, mais c'est insuffisant. Il n'y a pas eu de procès,( comme Nuremberg), pour qualifier les crimes de crimes contre l'humanité.Exact. Il a fallu du temps. Mais en Espagne c'est très récent, il ne faut pas oublier que le juge Garzon a été destitué pour vouloir mettre à jour ce sujet.

Dany : Et pour bon nombre de Français … c'est une découverte.

Simone : Oui, je parle énormément de ça avec les lecteurs de l'affaire Jane de boy. certains me disent avoir découvert ces histoires dans mon roman, preuve que c'est utile…

Dany : Je m'adresse à l'auteure … est-ce que la fonction de l'auteur est aussi, au-delà du divertissement, de passer un message ?

Simone : Oui, je crois que nous pouvons passer des messages, en tout cas, je le fais de manière spontanée, en écrivant, ce qui me vient, les idées que j'ai envie de partager avec mes lecteurs, surtout pas de leçon de morale, juste des échanges…un regard sur ce qui nous entoure…

Dany : tu sers de révélateur …


Simone : Pour revenir au livre de Gilles, les personnages sont très attachants. Il y a:
Thomas Volner, on est dans sa peau, c'est le porte-parole de l'auteur ?
Ingrid, dans une première partie, elle n'est qu'une ombre, mais quand elle apparaît on est prêt à la suivre, on la connaît déjà
Aman Moussa, le migrant, « le negro », symbole de toutes les oppressions, qui suscite l'empathie, mais met aussi en lumière la fraternité, avec des exemples de générosité humaine qui font du bien !
Juan Pedro, le serveur qui ressemble à JP Bacri et son frère Roberto, typiquement espagnols, participent de l'ambiance.
La commissaire Alba, professionnelle, charismatique, mais surtout humaine.
Alberto Fraga, personnage ambiguë, symbole du déchirement de l'Espagne.
Et puis, il y aura Blanca. Dont il faut taire l'importance.
Dont il faut taire la souffrance : Callarse. Nunca jamàs !

Dany : Tu nous disais plus haut que Gilles Vincent aimait et connaissait l'Espagne, qu'il avait déjà écrit sur l'Espagne, est-ce que tu peux nous en dire sur cet auteur ?

Simone : Un forçat de l'écriture, je veux dire qu'il a une capacité incroyable à écrire, qu'il a en réserve des tas d'histoires, une imagination dingue et qu'il peaufine son écriture au fil de ces romans…

Dany : Faut-il avoir lu d'autres romans de lui avant d'aborder ses poupées ?

Simone : Non, je ne crois pas. Ils sont tous différents. le dernier que j'avais lu de lui avant celui-ci, était Noir Vézère, je vous le conseille aussi…Un livre qui fait réfléchir à la condition humaine…

Dany : En résumé Simone, peux-tu nous donner trois bonnes raisons de guetter la sortie des poupées …

Simone : Les trois raisons résident dans ce que nous avons dit de ce roman. C'est à dire, les sujets profonds qui sont évoqués : écologique, humanitaire et historique. Et le côté polar : On ne peut pas s'arrêter de tourner les pages : c'est vraiment (aussi) un polar.
!




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