Le cri n’a trouvé personne
Mais son écho a peigné
Pendant une poignée de secondes
La chevelure blanche
De l’avalanche
Je n’ai plus de montre
ni cœur
maintenant
plus rien ne me fait mal
le vin rouge
et ce matin de dimanche
renversés sur la table
la dernière cigarette
et peut-être l’idée
qu’un jour enfin
je serais assez léger
pour pouvoir tenir
dans un oiseau.
EN INFRAROUGE
mais qui sommes-nous
ceux qui nous cachons
dès que nous rencontrons
un grain de soleil ?
qui sommes-nous
ceux qui jouons avec les veines
et malgré toute l’encre
qui en coule
ne rentrons jamais à la maison ?
qui suis-je moi
et qui es-tu toi
qui passons dans la ville
comme des ombres
piétinées par nos frères de chair
sans dire un mot ?
peut-être dirions-nous quelque chose
si nous ne nagions pas si concentrés
dans le sang frais du jour précédent
dans le cadavre déjà décomposé
du jour qui suit
les mains enfouies dans les poches
comme si on venait de traverser une guerre
comme des archéologues du futur
ROSE DES VENTS
aujourd’hui j’ai vu une goutte de pluie
dans laquelle habitait une forêt
une fille traversait cette forêt
elle avait les yeux verts et chantait
entre les collines de ses seins
serpentait un train bleu
j’étais dans ce train
je regardais par la fenêtre sa peau de velours
j’écoutais sa musique
les autres voyageurs ne voyaient
qu’une pluie morose
des ombres erratiques
et un vieillard qui faisait la manche
sous un ciel de cuivre
et rien ne me trouble plus fort que la pensée
qu'à cette heure tu dors
et tu es tellement tellement belle
quand tu dors
que j'ai de plus en plus sommeil
de toi
Sur le fil
les plus beaux cheveux
que j’ai jamais vus
n’avaient même pas
de visage
mais moi non plus
je n’avais pas de mains
pour pouvoir
les caresser
Fenêtre vers l’automne
Je rêve de ce poème
qui ne ressemble à rien
et se tait
qui reste immobile
même quand le vent arrache des arbres
et plie les bâtiments
comme un nuage bleu
toujours éveillé
que traversent des poissons aux grands yeux
et aux ailes translucides
je rêve de ce poème
pas encore écrit
mais souvent aperçu
comme un oeil
larme
dans la paume
Je n’ai rien à dire pour ma défense
je sais
des années et des années sont passées
et je n’ai point essayé de me convertir
à la vie
je l’ai vécue
comme une parodie
même quand autour de moi
il pleuvait des tragédies
comme si j’avais été au cœur de la tornade
bien que
ma propre mort
m’ait toujours serré la main
avec fidélité
les grands mécanismes
continuent de moudre
du vieux sang
ou du sang frais
mais je n’en ai cure
je regarde le monde par le même hublot mat
comme à la naissance
je ne suis qu’un touriste âgé
au degré zéro
d’adaptabilité
et si mon univers est plus beau que le vôtre
je ne sens pas le besoin
de m’en excuser
en définitive
vous pourriez à tout moment jouer
dans mon cerveau
qui a commencé à fleurir
comme une horloge
en train
de sonner
***
Traduit du roumain par Radu Bata.
Il y a pourtant des champs
de coquelicots
d’où
bleue
la poésie
s’élève comme une montgolfière
tout à coup
sans crier gare
un souvenir arrive
il se met au chaud
contre ta poitrine
et commence à ronronner
et le jour ressemble
à un aquarium
vide