Elle a terminé sa lecture de La Ville dans le Grand Nuage de Magellan. Après l'or, les Magellaniens découvrent le pétrole. Ne sachant pas le gérer,ils créent un dieu, Mètre-Étalon ou Prix-du-Baril selon les cultes, pour en définitive se foutre sur la gueule, à cause de l'amenuisement de la ressource et de l'aviation civile qui a besoin de kérosène. Et la Magellanité, cette nouvelle humanité, tourne court. L'auteur conclut son livre par cette phrase : "C'était bien la peine de partir pour une autre galaxie. "
Je n'ai aucun besoin d'être ou de me réaliser. Vraiment, cela me convient bien de ne rien créer. Je l'ai même répété à mon gynécologue quand il a placé mon stérilet.
Et si l'écrivain était plus qu'une chouette, un cheval, une mule, un âne, un coléoptère ?
Ou un ordinateur ?
S'il était la navette pour atteindre le Grand Nuage de Magellan ?
Dans le coeur, je m’interromps d’être. Dans la tête, je commence tout juste à exister.
2.
Des stalactites frangent les canalisations. Quelque chose
pourtant crie chaleur : le pin du sauna perle de résine. La
sève monte, est-ce l’annonce du printemps ? Les gouttes qui
naissent aux jointures des lattes ne sont pas encore de l’ambre,
elles n’en n’ont que la couleur. Olivier, qui veut se réchauffer,
les touche. La pâte est odorante sur la pulpe de son index,
il en rapproche son pouce. D’où vient ce plaisir de se coller
les doigts, privant la main de sa qualité » préhensive ? Olivier
n’a rien su écrire d’autre que le « roman du siècle », inapte
à emboutir les cames, à s’emparer de l’objet. Il éloigne son
index de son pouce, la substance drée s’étire en longs fila-
ments. L’action est jolie mais vaine, l’écriture refuse d’adhé-
rer à cette imitation de papier tue-mouches.
p.21
Elle a bu de l’alcool frelaté. Pour penser peu. Cette condition à laquelle la vie passe.
Elle comprend qu’ils partagent tous les deux la même faculté de ne pas regarder les choses en face.