Mission sur le Yang-tse

Absolu dénuement des paysans vivant le long du fleuve : celui qui achète un quart de pastèque mange le rouge de sa chair et abandonne le reste aux ordures, un autre s'empare de l'écorce et en râpe le blanc, un autre, encore plus pauvre, attrape le vert de l'écorce et en fait son repas du jour.

Convoqué à l’Hôtel de Marine pour prendre connaissance de mon affectation, je m’étais préparé à la rencontre avec un officier de l’État-Major en charge des feuilles de route. Aussi, fus-je fort surpris lorsqu’un huissier vint me chercher pour me mener devant Belcombes, le chef de cabinet du nouveau ministre Camille Pelletan. Cette rencontre ne correspondait ni à mon grade, ni à la nature de mon affectation. Dans son bureau décoré de maquettes d’acajou et de toiles marines, Belcombes m’annonça que j’avais été choisi pour participer comme officier hydrographe à une mission d’exploration sur le Yang-tse. Il insista sur l’importance stratégique de l’établissement d’un relevé du haut fleuve sur lequel aucun vapeur français n’avait jamais pénétré. Je me souviens de son emphase. “Une liaison fluviale entre la Chine et le Tonkin ! – Oui, elle existait, nous devions la découvrir et l’exploiter ! La découverte de cette liaison ouvrira des horizons nouveaux à la présence française en Extrême-Orient... Notre présence au Tonkin en dépendait… La Chine du sud est l’Hinterland de notre bien-aimée Indochine… Nous ne pouvions laisser aux Anglais un territoire vital pour l’expansion française.