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Critique de enkidu_


Ce livre, qui est en réalité un florilège de onze textes (articles de journaux ou revue, conférences, ...), dépeint la quête d'Amour authentique qu'Eva de Vitray-Meyerovitch (1909-1999) a poursuivi tout long de sa prolifique existence ; née dans un milieu catholique - réfractaire à la spiritualité - elle entreprit des études de droit avec succès - fait rare pour une femme, à l'époque - et décida de s'orienter vers la philosophie, en particulier Platon (qui aura une importance décisive dans sa "carrière" postérieure à la conversion - ou plutôt, "retour" - à l'Islam.)

Mais la Deuxième Guerre mondiale bouscula sa paisible traversée académique (elle avait un enfant et, comme son mari, membre de la résistance, et donc dû trouver un emploi), et l'étape prochaine qui marquera sa vie (mais cette fois ci, en bien!) et sa "rencontre" (ou "confluence", pour reprendre un terme coranique ?) avec Muhammad Iqbal : poète-philosophe né au Pakistan actuel, sa "Reconstruire la pensée religieuse de l'Islam" (qu'Eva traduit et commenta, précédé d'un texte de Louis Massignon) va profondément marquer Eva, qui trouvera dans ces mots des échos de sa propre pensée intime, et, par lui - puisque Iqbal citait avec gloutonnerie Rumi - elle découvrira aussi celle qu'elle va appeler "le plus grand poète mystique de langue persane" (il en existe tellement!) - et l'introduira en France, avec la traduction de plusieurs de ses ouvrages, dont le Masnavi ("théodicée", comme elle le décrit).

Comme précisé, ce n'est pas un "livre" stricto sensu, puisque émaillé de textes à la temporalité discontinue (de 1956 à 1989), mais, réellement, si nous devions citer un dénominateur commun entre tous, une grammaire qui soude et les unifie (sa définition du "tawhid", aussi important dans sa pensée), c'est la figure de Rumî : son universalisme est, tout entier, la sève d'où Eva sculpte ses différents textes.

Les textes en eux-mêmes brassent donc les différents thémes propres à l'Islam, celui de l'humilité (ou faqr, pauvreté ontologique), de la notion d'amour, du symbolisme, ... un chapitre qui m'a marqué est celui sur le temps : Eva nous dit que, contrairement aux religions indiennes où le temps est cyclique ou judaïsme et christianisme où le temps est linéaire, l'Islam propose l'idée d'un temps "vertical" ; il existe un "saut" (tafra) entre "deux" moments, qui en réalité ne sont qu'un puisque participent à la durée pure, et c'est Allah qui, par Son potentiel créateur, les renouvelle à tout instant - à la suite de Rumî (et autres maîtres du tassawûf, dont Ibn Arabi, etc) c'est donc la souveraineté de l'acte créateur du Rabb (non pas seulement "saigner" - comme une relation "matérielle" de contingence -, mais "éducateur", "ciseleur à la perfection", ...) qu'elle souligne, et donc Dieu - et Son artisanat renouvelé - a un rôle "cosmique" aux accents "poétiques".
Bien sûr, de temps en temps, elle ne manque pas à mettre en rapports ces théories du tassawûf avec les données de la science moderne (mécanique quantique, ...)

Une bien belle introduction à ce qui en effet découle des différents chapitres : "l'universalité de l'Islam", abolition des races, nations, ... mais aussi (et, peut-être, surtout) le temps et l'espace, au nom de l'Un, qui seul possède l'Être et dont notre âme doit se remémorer (l'anamnésis platonicien ou le dhîkr des soufs) !
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