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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
J'ai peu lu d'oeuvres d'auteurs russes jusqu'à ce jour et même, en y réfléchissant, je ne pense pas en avoir lu avant.
Pour autant, l'impression que je ressens après la lecture de ce livre est conforme à l'image mélancolique que je me fais de l'âme russe.
Il y a sûrement du cliché dans cette pensée, mais comment pourrait il en être autrement, à l'issue de ce si terrible XXème siècle pour la Russie, dont la vie d'Innokenti est un témoignage poignant, même si plus de 60 années de cette vie et de ce siècle ont ici été mis entre parenthèses.
Mélancolique mais pas triste pour autant, le regard d'Innokenti Platonov incitant à prêter plus d'attention à tous les petits détails, tous ces petits bonheurs qui ponctuent l'existence.
Bref, un roman qui ne m'a pas subjugué par le style de l'auteur mais qui invite à une réflexion bienvenue (et plus encore en période de confinement) sur le sens de nos vies.
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Le narrateur, Innokenti, se réveille… d'un coma ? On ne sait pas vraiment, ni combien de temps a duré son inconscience. Toujours est-il qu'elle semble avoir été très longue, et qu'il en ressort amnésique. Il a oublié qui il est comme ce qu'il a vécu, et s'étonne du traitement spécial dont il fait l'objet, seul dans une chambre d'hôpital où sa présence semble considérée comme un secret, y recevant comme uniques visites celles de l'infirmière Valentina et du docteur Geiger. C'est à la demande de ce dernier qu'Innokenti couche dans un journal les étapes du réveil de sa mémoire.
C'est au départ un peu foutraque et surtout très ténu. Lui reviennent en vrac l'écho de phrases toutes faites, sans doute souvent entendues ou prononcées, d'épisodes de son enfance -souvenirs de rêves de petit garçon (devenir pompier ou aviateur) ou de la lecture éblouie de Robinson Crusoé, réminiscences enchantées de vacances passées dans la datcha de Siverskaïa, des pique-niques accompagnés de musique jouée sur un phonographe, du goût des glaces-... il y a aussi la résurgence de plus en plus insistante d'un prénom, Anastassia, qui s'accompagne d'une grisante odeur de cheveux…

Ses écrits révèlent un homme d'un autre temps, un temps d'avant le tout automobile et d'un langage désormais suranné, où le summum du flirt était atteint à coups de frôlements fortuits ou de l'intonation particulière d'une voix, d'un regard. La nostalgie vaguement douloureuse de ces évocations est bientôt transpercée de flashs inquiétants -un homme triste mange un saucisson rondelle par rondelle qu'il accompagne d'un verre de vodka- voire franchement cauchemardesques : scènes de tortures, de silhouettes nues et affamées travaillant dehors par moins 40°c…

Innokenti se livre, à travers ses souvenirs, à une double quête autour de son passé et des événements de l'époque qui fut la sienne, dont il devient le témoin et le porte-parole. Porté par la volonté d'en capter, au-delà de l'événement, la réalité et la véracité, il tente d'en restituer les sensations et les émotions plutôt que l'effet historique, se concentrant sur l'homme dans L Histoire et non sur L Histoire elle-même. En s'efforçant de convoquer les sons des violences, l'intensité des souffrances provoquées par le froid ou la faim, les odeurs d'un environnement, il essaie de rendre l'indicible, de reconstituer un monde à jamais perdu. En vain, puisqu'il n'obtient que de pauvres fragments, et que chaque récit sous-entend un événement achevé alors que l'empreinte de cet événement, pour celui qui l'a vécu, n'en finit jamais. Et ça, c'est irracontable.

"Le paradis, c'est l'absence de temps. Si le temps s'arrête, il n'y aura plus d'événements."

Cette expérience l'amène ainsi à réfléchir à ce qui forme, définit un homme, l'amenant à la conclusion que l'habituelle hiérarchie que l'on applique à l'importance des faits fausse la représentation que l'on a des individus, amalgames de l'impalpable matériau que constituent perceptions et souvenirs, parmi lesquels l'odeur d'un samovar en ébullition ou la stridulation d'un grillon peuvent avoir autant de poids que la douleur de coups reçus eu de terribles vexations subies.

Et qui est-il, lui qui a perdu ses proches et sa vie, qui a été dépossédé de son époque, dont les contemporains ne survivent plus que dans les archives ? Bien qu'ayant profondément subi la violence inique de son temps, il éprouve une tristesse cuisante à l'idée des années qu'il n'a pas vécues, de sa non-participation aux événements d'un siècle disparu qu'il considère comme le sien. Il ne se positionne pour autant jamais comme une victime, convaincu -et suscitant ainsi l'étonnement quelque peu choqué de son entourage-, de la responsabilité collective dans l'avènement de toute dictature, le peuple trouvant, selon ses dires, "le chef dont il a besoin à un moment donné", les appuyant par le triste constat que si "les dictatures passent, les hommes, eux, ne guérissent pas".

"Tout est très simple. En chaque être humain, il y a de la merde."

La relative lenteur du récit est à l'unisson du laborieux parcours qu'emprunte en se reconstituant la mémoire d'Innokenti. La progression romanesque s'accompagne de l'élaboration d'une réflexion de plus en plus complexe et poignante sur la place de l'individu au sein d'une Histoire dont il est à la fois la victime, l'initiateur et le témoin.

A lire.

Lien : https://bookin-ingannmic.blo..
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Innokenti Platonov est un enfant du 20ème siècle. Forcément, il est né en 1900.

Saint-Pétersbourg à l'année, l'été à la datcha. La vie classique d'un jeune garçon d'une famille aisée russe.

Pourtant la révolution bolchevique gronde et emporte tout sur son passage.

1999 – Platonov se réveille. Amnésique – il est dans une chambre d'hôpital. Son médecin lui demande de commencer un journal intime afin de tenter de récupérer ses souvenirs, son histoire.

Voilà un roman exigeant. Qui parle de la vie d'un homme prisonnier d'un temps âpre et inhumain.

Qui nous entraîne dans une réflexion sur le temps, la mémoire. La responsabilité collective des temps de souffrance.

Les russes sont-ils les artisans de leur propre malheur, l'âme russe est-elle condamnée à une recherche du malheur ?

Que devenir, lorsque comme Innokenti, on se retrouve catapulté dans un monde qui, sans nous, a complément changé.

Comment accepter la mort ? Lorsque celle-ci est un expédient à la douleur, l'être humain se réconcilie avec cette idée. Mais, si l'on est heureux, comment ne pas se désoler de devoir tout laisser ?

Quand on croit savoir où l'auteur veut nous mener, celui-ci d'une pirouette nous entraîne ailleurs.

Les nombreux thèmes abordés et la façon dont ils sont traités rendent ce roman assez inclassable.

J'en ressors déroutée et intriguée. Mais pas enthousiasmée, l'absence d'empathie pour les personnages, alors que l'on suit pourtant leur quotidien, m'a laissée un petit goût de déception.
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