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Critique de Tachan


En juin dernier, j'avais découvert et beaucoup aimé la plume d'Élisabeth Vonarburg dans ce qui fait office de suite au titre dont je vais vous parler : Chroniques du Pays des Mères. J'y avais été frappée par les questionnement sur les relations hommes-femmes, les questionnements politiques et le langue déployée par l'autrice. Alors je remercie Mnémos de m'avoir permis de lire ce texte qui le précède.

Le Silence de la Cité, comme son petit frère, est un texte à l'habillage post-apo totalement dans l'air du temps. Élisabeth Vonarburg l'a cependant écrit au début des années 80, 10 ans plus tôt que Les Chroniques du Pays des Mères, mais j'ai trouvé le texte bien plus abordable et facile d'accès que son successeur. Peut-être est-ce dû à ma connaissance au préalable de l'univers, mais je ne pense pas que ce soit uniquement pour cela.

Élisabeth Vonarburg a en effet une plume bien plus accessible ici, car même si dans les premières pages elle nous projette dans un univers clos et étrange dont on ne connait rien, cette fois elle nous en donne très vite les clés et cela change tout. Contrairement aux Chroniques du Pays des Mères, nous ne partons pas en exploration pour tenter de comprendre ce monde, nous regardons plutôt comment il va être façonné en étant aux premières loges de ces changement.

Grâce à une narration rapide et plus abordable, le lecteur enchaîne les chapitres. Ceux-ci sont très courts, n'excédant jamais les 8-10 pages, mais l'autrice n'oublie jamais de faire du lien entre eux. Elle a également découpé son histoire en quatre parties qui ont tout leur sens et qui permettent de bien suivre l'évolution du caractère et des idées de son héroïne.

En effet, dans ce titre, nous suivons à nouveau un personnage féminin ou plutôt un personnage né femme mais qui est bien plus complexe que cela. Dans une Terre qui a été ravagée, l'humanité vit désormais sous le joug des hommes mais ceux-ci sont de moins en moins nombreux, 5 femmes naissant pour 1 homme. Dans un lieu à l'écart, dans une Cité souterraine, vit un scientifique entouré de robots qui fait des recherches pour créer un nouveau genre humain plus résistant, mais il ne s'attend pas à ce que sa créature dépasse ses espérances.

La créature, Elisa, est celle dont nous allons suivre l'histoire et le point de vue. Dans un premier temps, comme le lecteur, elle est perdue dans ce monde qui lui est inconnu. Puis, peu à peu, elle va en découvrir les arcanes et s'en saisir pour offrir sa propre vision du devenir de son monde. Elle va également peu à peu ouvrir les yeux sur son monde, ce qu'elle vit et a vécu, ce qu'elle a fait et pourrait faire.

J'ai beaucoup aimé le rythme, le ton et les thèmes développés par l'autrice. Elle parle avec beaucoup d'honnêteté et parfois de dureté de ce à quoi peuvent mener des expériences scientifiques et génétiques visant à améliorer l'être humain. Les questions alors sur le rapport du créateur à sa créature, du père à son enfant, sont passionnantes. Certains développements m'ont perturbée d'un point de vue moral, je ne vous le cacherai pas, mais tous m'ont questionnée. J'ai beaucoup aimé le discours sur la parentalité, les interrogations sur ce que peut ressentir un parent face à la prise d'indépendance de son enfant, le questionnement également sur la répartition et la répétition des gênes, des caractères, etc. C'est extrêmement riche aussi bien génétiquement que sociologiquement et philosophiquement.

L'autrice pousse aussi les interrogations dans la direction de la politique et de la gouvernance. Quand elle fait enfin sortir son héroïne, elle lui fait découvrir un monde où malgré la prédominance des femmes en nombre, les hommes règnent et oppressent toujours. Est-il juste alors qu'une forme d'égalité des sexes ne naissent pas ? Est-il juste que les plus nombreuses ne soient pas représentées proportionnellement à ce chiffre ? L'autrice ne donne pas de réponse, elle pousse juste le lecteur à s'interroger et à se faire son propre avis, à travers des scènes de discussion et d'action marquantes qui ne peuvent laisser indifférents.

On retrouve donc un petit air du manga A journey beyond Heaven dont j'avais déjà parlé la dernière fois, mais également de la Main gauche de la nuit de la grande Ursula le Guin, qui déjà à la fin des années 70 interrogeait sur les sociétés matriarcales et patriarcales, ainsi sur l'appartenance à un genre ou un sexe. Car cette question est également au coeur de l'histoire, l'autrice développant des humains qui non seulement sont plus résistants, mais qui également peuvent se transformer et changer de sexe. J'ai beaucoup aimé les réflexions autour de cette question, notamment la volonté d'Elisa d'obliger ses enfants à tester régulièrement les deux sexes pour mieux les comprendre mais sa bienveillance face au choix des uns et des autres de le respecter ou non une fois leur choix fait.

Le Silence de la Cité propose donc, comme N.K. Jemisin, un récit à mi-chemin entre la SF et la fantasy, avec des thématiques et des topos qui peuvent plaire aux lecteurs des deux genres. J'ai trouvé sa plume bien plus accessibles que celle d'Ursula le Guin dans La Main gauche de la nuit et qu'elle-même dans sa suite Chroniques du Pays des Mères. Alors si vous voulez découvrir l'autrice, foncez plutôt sur ce texte assez court en plus qui tient en haleine jusqu'au bout et offre une belle fresque philosophique avec des réflexions fortes sur la génétique, la parentalité, le féminisme et les genres.
Lien : https://lesblablasdetachan.w..
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