Évangéline éteignit bientôt sa lampe; son cœur alors se gonfla, et ses pensées se portèrent vers son fiancé, malgré elle, un sentiment de tristesse envahit son âme, semblable aux nuages qui, par moments, venaient voiler la clarté de la lune. Elle était loin de se douter que Gabriel, en bas, dissimulé sous les arbres du verger, avait suivi longtemps, d'un œil anxieux, ou son ombre ou la clarté de sa lampe. Elle regarda quelque temps, rêveuse et pensive, par la fenêtre; puis elle se coucha, toujours poursuivie par la même pensée !...
Dans un songe, aussitôt, il vit, comme autrefois,
La terre d'Acadie et ses verdoyants bois
Et ses ruisseaux d'argent, ses prés et ses villages
Et le toit de son père au milieu des feuillages,
Et son Évangéline allant à son coté,
Dans toute sa jeunesse et toute sa beauté
En paix avec son Dieu, dans sa terre féconde,
Le fermier de Grand Pré. Sa joie et son appui
Toujours Evangeline était auprès de lui
Et gouvernait déjà sagement le ménage.
Puis-je donner ma main à qui n'a point mon cœur?
L'amour est un flambeau dont la vive lueur
Éclaire et fait briller les sentiers de la vie
L'âme qui n'aime pas au deuil est asservie ;
Le lien qui l'enchaîne est un lien d'airain
Et pour elle le ciel ne peut être serein.