Tous ces jeunes hommes dont je lisais le nom n'avaient pas eu le temps d'être ce que j'étais aujourd'hui. Emportés trop tôt. Fauchés dans leur élan. Dans une France fatiguée où la valeur de l'engagement paraît douteuse et le patriotisme suspicieux, il me semblait que l'héroïsme anonyme de ces milliers d'hommes valait bien cette modeste marque d'attention.
Fuir avait sur moi un pouvoir régénérateur. Fuir, c'était échapper un temps à la marche forcée d'une société en surchauffe. Avec la fuite, je prenais le frais.
Ce dimanche avait débuté dans la lumière d'une froide matinée d'hiver. Le vent d'est rassemblait dans sa course de gros nuages gris et les abandonnait dans un paysage mélancolique. L'hiver menait ses derniers assauts. Dans quelques semaines, il abandonnera définitivement la lutte, convaincu de n'avoir ni la force ni le courage de poursuivre le combat.