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Critique de michfred


Joan Mitchell est entrée très jeune dans le cercle très restreint et très masculin de l' expressionnisme abstrait new yorkais, comme "Katharine Hepburn dans un saloon". Elle "s'était armée pour une ascension fulgurante", elle y a eu droit...

Très américaine, elle est aussi rattachée aux traditions de la peinture européenne qu'elle admirait: Van Gogh, le coloriste, Cézanne, l'architecte, Monet le voisin...

Son premier atelier de jeune fille était à Paris, et c'est à Paris puis à Vétheuil, non loin de Giverny , qu'elle revint peindre plus tard - elle fut la compagne du peintre Jean-Claude Riopelle. Elle aimait la poésie, la littérature française. Et elle a voulu habiter la campagne française par amour pour...les chiens, qui pouvaient s'y ébattre en liberté!

Elle a fréquenté les de Kooning , Rothko, Kline, Pollock, Guston, Motherwell, Frankenthaller, bref tout ce que la peinture américaine compte de grands peintres abstraits, mais elle a toujours su garder sa petite musique à elle, cette touche si particulière qui rend ses toiles inimitables.

D'abord, dans ses polyptyques: cette façon de jouer avec l'espace de la toile ou plutôt des toiles, car le cadre loin de l'arrêter stimule encore son lyrisme: les couleurs débordent, éclatent sur la toile contigüe. D'un panneau à l'autre, les blancs ponctuent et galvanisent l' expansion des touches et la conquête du trait.

Explosion de vie, de couleurs. Une "pastorale furieuse"!

Dans tous ses tableaux, bien loin d'une abstraction géométrique et froide, ou purement "décorative", elle cherche le lien entre une distanciation de la forme et une subjectivité du fond. Elle refuse que la filiation entre le concret et l'abstrait se limite à une transfiguration trop lisible mais cherche en elle-même ce que les choses du monde éveillent en écho pour les peindre avec tout son corps, toute son énergie vitale.

Enthousiasmantes synesthésies picturales!

Les formes, les couleurs et les traits, chez elle, se répondent comme les parfums, les couleurs et les sons dans le sonnet des correspondances de Baudelaire, ce poète qu'elle aimait tant! Elle atteint ainsi à une sorte de spiritualité gaiement païenne. Sa peinture est un temple!

Elle est aussi une sorte de défi à la mort. Sa peinture, c'est la vie. La survie.

Talonnée par la maladie- le cancer qui lui enlève sa mère, sa soeur, ses amis, bientôt la ronge- elle se bat à coup de couleurs, de lumières nées de la vigueur du trait, de la coexistence des pigments purs, de la clarté qui jaillit de leurs harmonies confondues.

Petite silhouette gracile et inflexible, toujours en pantalon, appuyée sur sa canne, entourée de ses chiens, le front caché par une frange enfantine, le regard scrutateur et profond derrière des lunettes trop grandes, Joan Mitchell reste pour moi un modèle, une force inégalée.

Un grand peintre.

Une GRANDE.
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